Principes et Techniques de Sécurité Émotionnelle

NdlR: cet article n'est pas de la première jeunesse, mais il est référencé partout et expose plusieurs (ébauches de) techniques de sécurité émotionnelle, c'est donc une très bonne référence pour démarrer !

La [convention états-unienne de jeux de rôles] Dreamnation C’était une convention incroyable remplie de jeux freeform (1) et Grandeur-Nature, nordiques et américains, aux règles simples, ainsi que de gens pour y jouer ou aider à y jouer. Mon fil d’actualité a été rempli de déclarations d’amour pour la convention et les participant.es pendant les quelques jours qui ont suivi. Il a aussi débordé d’émotions, ainsi que d’inquiétudes concernant la sécurité émotionnelle dans les JdR.

Nous ne sommes bien sûr pas la première communauté à y penser : j’ai suivi la "scène nordique" pendant des années et j’ai eu la chance d’observer leurs pratiques de sécurité, avec leurs réussites et leurs échecs. Récemment, la sécurité émotionnelle a été un sujet sensible [dans le milieu du GN états-unien], et a suscité des débats. J’ai écrit un petit guide à ce sujet à destination des joueuses, créatrices et facilitatrices de parties, dans mon Guide de Poche pour le JdR Américain Freeform (en), mais je voulais présenter certains éléments ici, en espérant qu’ils vous soient utiles. Je ne connais pas toutes les réponses et méthodes, mais peut-être que ce qui suit servira de point de départ pour d’autres personnes intéressées par le sujet.

Aussi, je parle bien ici de sécurité émotionnelle, et non physique, cette dernière étant plus claire et ayant été plutôt maîtrisée dans les parties jouées à la convention. Je suis plus habituée aux jeux freeform et Grandeur-Nature qu’aux jeux de rôles sur table, donc bien qu’une partie de ces conseils puissent s’appliquer à ces derniers, ils n’ont pas été pensés pour.

Avant de commencer, vous devriez immédiatement aller lire Notes on Kutt, Brems and Emotional Safety, excellente publication d’Eirik Fatland sur le sujet.

Le Problème de la sécurité émotionnelle

Celle-ci pose quelques problèmes évidents :

  • Il est difficile de prédire ce qui va être difficile à jouer. Lorsqu’on joue ensemble à une convention, je ne sais probablement pas ce qui est sensible pour vous et vous pourriez ne pas vouloir le partager. De plus, bien que je connaisse le scénario, je ne peux pas savoir exactement ce qui va émerger pendant la partie ni comment vous allez y réagir. Plus important : je ne pense pas que l’on puisse attendre de moi que je le devine.
  • Il est parfois difficile de savoir lorsqu’on est soi-même dans une mauvaise situation. Si les araignées me terrifient et apparaissent pendant la partie, mes émotions pourraient prendre le dessus et m’empêcher de séparer mon ressenti de celui du personnage. Je pourrais aussi sentir une pression sociale à ne pas interrompre la partie. C’est pourquoi la technique de pause dont je parle plus tard est problématique.
  • On emporte nos expériences avec nous après la partie. En quelque sorte, la partie ne finit jamais vraiment. Le scénario a une fin, mais les émotions, pensées et impressions suscitées par la partie peuvent rester pendant des jours, voire plus longtemps. Parfois l’on apprend des choses sur nous-même pendant une partie. Et parfois ce sont des choses que l’on aurait aimé ne pas savoir.
  • La sécurité émotionnelle peut se retourner contre elle-même. Des mesures de sécurité émotionnelle peuvent créer des situations où les gens prennent plus de risques, et sont donc plus susceptibles d’être blessés. Cela ne vient pas de moi, mais du domaine de l’économie (en).

Photo de Raniel Diaz

En d’autres termes, le JdR n’est pas complètement sûr et il ne peut pas l’être. C’est une activité risquée. De plus, pour certaines personnes ce risque fait partie du plaisir, celui de jouer des parties intenses qui vont vous bousculer.

Il est possible de contrôler ces risques, mais jamais de les éliminer complètement. Chaque participant doit décider du niveau de risque qu’il accepte.

Ceci dit, beaucoup de gens jouent au JdR tout le temps, et la grande majorité d’entre eux ont une expérience positive et amusante, et juste parfois déstabilisante. Tout comme le risque d’un accident à vélo est compensé par le plaisir d’en faire, la plupart des rôlistes pensent que le plaisir de jouer compense les risques.

Avec ceci en tête, je propose quelques techniques élémentaires de sécurité. Beaucoup d’entre elles se recouvrent, ou sont différentes manières d’obtenir le même effet. Ce n’est probablement ni une liste exhaustive ni même une description précise. Cela a pour but de fournir une connaissance pratique de manière concise.

Transparence

Comme pour beaucoup d’interactions sociales, le consentement éclairé est la pièce maîtresse d’une bonne expérience. Le problème en JdR est que la transparence totale est impossible car toutes les parties de GN sont fondées sur une part plus ou moins grande d’improvisation, et il est forcément difficile de consentir à une expérience quand on ne contrôle pas ce qui va arriver.

Il n’y a pas de solution parfaite à ce problème. Cependant, si vous savez qu’un élément va apparaître dans la partie, par exemple si le jeu traite de violences racistes, annoncez-le clairement. Cela m’aide, en tant que joueuse, à décider si je veux ou non jouer avec ces thèmes. Dites-moi ce que vous savez du scénario en la matière et laissez-moi l’opportunité de partir avant le début de la partie.

La Porte est ouverte

J’ai tiré ceci de la publication de Fatland. Cela veut tout simplement dire que n’importe qui est libre de quitter la partie à tout moment, quelle qu’en soit la raison. Cela va plus loin qu’une information aux joueuses. Cela signifie que chacun contribue à un environnement dans lequel il se sent autorisé à partir. Cela implique de :

  • ne pas pousser les participants à rester lorsqu’ils y sont réticents, même si cela doit compromettre la partie,
  • de ne pas critiquer les participants qui partent,
  • et de ne pas laisser penser que seuls les meilleurs parmi les plus endurcis sont capables de supporter p.ex. cette scène de torture.

Une manière de s’y prendre en tant que facilitateur de partie est - en plus de dire aux participants qu’ils sont libres de partir - d’ajouter que la partie n’est jamais plus importante que leur bien-être personnel et qu’arrêter de jouer n’est pas un drame, car il est assez facile de revenir dans la partie.

La Communauté

La communauté extérieure à la partie contribue à la sécurité sur plusieurs plans. D’abord, si vous jouez une ordure et me dites quelque chose de méchant, je pourrais penser que c’est vous qui êtes une ordure - à moins qu’en ayant discuté avec vous avant et après la partie je sache que vous ne l’êtes pas. Faire attention au groupe de jeu aide les gens à gérer ce qui se passe en jeu.

La communauté donne aussi le ton en matière de sécurité. Il sera plus facile pour moi de partager des choses comme je le souhaite si je sais que quelqu’un prendra soin de moi en cas d’expérience de jeu très intense. Cela signifie aussi qu’au lieu d’une ou deux personnes pour faire attention, vous en avez cinq ou dix. Et c’est très bien.

Il est possible d’encourager formellement ces dynamiques de groupe,

  • par exemple avec des ateliers [il est fréquent, dans les jeux Freeform et Grandeur-Nature dont il est ici question, de réaliser avant la partie des ateliers, appelés ice-breakers, pour aider à se mettre dans les personnages ou pour encourager la confiance entre les participants (NdT)]
  • et des debriefs ;
  • ou de manière informelle, en encourageant par exemple les échanges entre joueuses, en commençant “avec un peu de retard”.
  • Ou encore, en tant que joueur, en faisant l’effort de faire connaissance avec les autres participants.

Pour en savoir plus sur les ateliers, l’article d’Electro-GN dont provient la photo ci-dessus.

Connaissez-vous

Pour faire simple, si une partie va aborder une thématique sensible pour moi, alors il serait bon que je prenne le temps de décider si je veux participer ou pas. Les facilitatrices et designers peuvent m’y aider en y dédiant un temps durant les ateliers ou bien, pour les parties vraiment intenses, en l’abordant avec moi avant de jouer. Cela va de pair avec la Transparence : laissez-moi décider si je suis partante pour un scénario abordant des romances.

Signaux de sécurité

“Coupez” et “Pause”

“Coupez” et “Pause” sont les outils les plus basiques pour le grandeur-nature. Comme le consentement devrait être donné librement, il faut qu’il y ait un mécanisme permettant aux gens de le retirer à souhait si nécessaire.

L’idée est que lorsque ses limites sont franchies ou sur le point de l’être, on peut invoquer une coupure et interrompre la scène autour de soi, voire la partie entière dans certains cas. La personne ayant demandé la coupure est prise en charge et escortée en dehors de la zone de jeu. On ne la force pas à expliquer la coupure à moins qu’elle ne le veuille.

“Pause” est son cousin plus doux. Lorsque vous ne souhaitez pas que la situation continue de s’intensifier, vous appelez une “pause” et les autres participants de la scène s’arrêtent et vous laissent une porte de sortie pour quitter la scène.

Le problème avec “Coupez” et “Pause” est qu’ils sont difficiles à utiliser en pratique, en partie à cause de la pression sociale mais aussi parce que, une fois pris dans le malaise d’un élément qui vous ferait demander un arrêt, il peut être difficile de le faire sous le coup de l’émotion. C’est pourquoi chacun doit prendre la responsabilité d’interrompre la partie s’il pense que quelqu’un d’autre se sent mal. De plus, la simple présence de ces outils rappelle aux joueurs de garder en tête leurs limites, ce qui est bien.

J’ai vu des gens suggérer que si les facilitateurs et les joueurs chevronnés demandent des interruptions pendant le début de la partie, cela aiderait les autres à le faire. Cela pourrait être vrai, et l’idée est beaucoup suggérée, mais semble ne pas fonctionner en pratique. Je pense que cela vient du sentiment désagréable d’interrompre sans raison. Cela pourrait aussi venir de la difficulté à savoir lorsqu’il faut interrompre une scène - les émotions n’étant pas transparentes : je ne sais pas si tu apprécies de jouer un personnage énervé ou si quelque chose t’as réellement mis dans cet état.

Autres méthodes

Il existe des variantes de “Coupez” et “Pause”. L’une d’elles consiste à trouver un élément intradiégétique à mentionner pour signaler quelque chose aux autres joueuses : par exemple, si je dis “quand était ce test ?”, vous répondez “jeudi” si tout va bien et “vendredi” dans le cas contraire.

Une autre variante utilise des signes de main choisis par le groupe pour communiquer (un signe “ok” avec une main, deux doigts contre la clavicule, etc.). Il semble que les groupes de mon coin vont bientôt les expérimenter. Je serais intéressée de savoir s’ils fonctionnent mieux que “pause” et “couper”, ou s’ils sont sujets aux mêmes limites.

Extrait de Répertoire des Outils de sécurité émotionnelle ptgptb

Ces dernières années, un système de signes a été incorporé dans les GN pour vérifier que les autres participants sont à l’aise avec la scène en cours. Par exemple, si vous voyez quelqu’un pleurer et que vous ne savez pas si c’est la personne ou son personnage qui pleure, c’est un bon moyen de vérifier sans trop interrompre le cours du jeu. Les signes les plus courants sont les suivants :

Signe OK : il est utilisé pour signaler à la personne que vous avez des doutes sur son état. C’est le signe de déclenchement de l’outil de sécurité émotionnelle.

Il sert à provoquer les réponses suivantes :

Pouce levé : tout va bien, je n’ai besoin de rien.

Main ouverte pivotant légèrement (ça va moyen) : je ne sais pas trop ce que je ressens. Dans ce cas, la scène doit être arrêtée et il faut vérifier l’état de la personne. Si nécessaire, contactez le service de sécurité émotionnelle de l’équipe organisatrice.

Pouce baissé : je ne me sens pas bien. Arrêtez immédiatement la scène et appelez les responsables de l’organisation si nécessaire.

Invitations

Les coupures et les pauses sont bien-sûr basées sur l’idée d’interrompre quelque chose, mais qu’en serait-il si l’on essayait l’opposé, en utilisant le consentement enthousiaste pour améliorer les scènes jouées ? J’ai entendu parler de l’utilisation de mots-invitations, mais ils ne semblent pas être un élément majeur dans les discussions sur la sécurité émotionnelle. Je suppose que c’est parce que, dans les jeux freeform et grandeur-nature, les conflits et les situations dramatiques sont positifs - on est là pour ça - et donc les gens y vont naturellement, sans attendre une confirmation pour se lancer. Mais il est possible qu’un tel outil ait un jour servi quelque part. Ça vaut le coup d’essayer, non ?

Parlez directement des limites

Parfois, avoir simplement un facilitateur qui demande au groupe les limites et inquiétudes de chacun fonctionne. Si les gens sont à l’aise pour parler, ils peuvent alors simplement dire « Je ne suis pas à l’aise avec l’idée d’être encerclée par des gens », et alors tout le monde le sait. Cela a tendance à mieux fonctionner pour les petites parties, car il sera plus difficile de se rappeler les problèmes de chacun s’il y a trente personnes dans la pièce.

Cela permet également de mettre en place les barrières physiques, pour une partie qui impliquerait des contacts entre participants. Avec un grand groupe, un facilitateur peut demander à tout le monde de fermer les yeux, puis poser des questions sur les limites en la matière. « Qui n’est pas à l’aise avec les câlins ? » permet alors de poser une limite commune pour le groupe sans embarrasser quiconque.

Le Méta-Jeu

Négociation

J’observe généralement ceci de manière informelle, mais dédier un temps pour la négociation, avant ou pendant la partie, est également une bonne possibilité pour les designers et facilitateurs. C’est pendant ce temps que je discute hors-jeu avec la personne qui joue ma némésis, et où l’on décide ensemble quelques éléments sur la façon dont on va le jouer. Je peux dire « amène le conflit » ou « tu peux m’insulter, mais je ne veux aucune bousculade ». C’est également l’occasion de dire « je pense que mon personnage est jaloux du tien car ses parents sont divorcés et pas ceux du tien, cela te va ? ». Cela fait de nous des conspirateurs hors-jeu, cherchant à obtenir une bonne histoire. Cela nous donne aussi une idée de jusqu’où on peut aller en jeu, et établit cette sécurité de groupe importante entre nous, posant aussi les bases du débrief post-partie.

C’est de plus vraiment bien de pouvoir négocier avec ses partenaires de jeu sur les aspects physiques. Si l’on joue des amoureux, peut-être que je suis ouverte à ce qu’on se tienne la main mais qu’un câlin va beaucoup trop loin. Vous ne le saurez pas avant de demander !

Faire le point

Il arrive de vérifier que tout va bien pendant la partie. Il est possible de quitter brièvement la partie pour s’assurer que quelqu’un va bien. Peut-être que je prends un moment avec la personne qui joue ma némésis. Peut-être que j’ai vu le personnage de Franck se faire abondamment critiquer et veux m’assurer qu’il le reçoit bien. Peut-être que je veux demander à l’interprète de ma némésis d’être plus agressif, et lui demander à ce qu’on joue une scène en particulier. Les auteurs et les organisateurs peuvent faciliter cela en incorporant des moments hors-jeu dans l’évènement, ou en dédiant un endroit accessible pendant la partie à ce genre de discussions.

L’espace hors-jeu

Utilisé le plus souvent dans les grands et longs GN immersifs, c’est un espace dans lequel on peut aller pour être hors-jeu (2).

Fatland suggère que l’existence de ce genre d’espace réduit l’efficacité des « pause » et « coupez », car ils impliquent que l’on ne peut pas être hors-jeu dans l’espace de jeu.

Outils de jeu

Dans les jeux freeform ou les JdR sur table, il est possible d’utiliser des outils de jeu pour créer de la sécurité sans pointer du doigt qui que ce soit. Mettons que j’anime une partie pour Bob, Mary et Sue, que je voie que Sue n’a pas l’air bien et que je ne suis pas sûr qu’elle soit d’attaque. Je pourrais commencer une scène avec Bob et Mary pour lui donner le temps de se remettre d’aplomb sans la faire remarquer. Je peux utiliser la pause pour vérifier que tout le monde va bien. Ce n’est pas toujours possible, mais ça l’est certainement parfois.

Décollage et Atterrissage en douceur

C’est essentiellement une façon d’aider les gens à rentrer et à sortir du jeu grâce à la musique, la méditation, un rituel, etc, pour que la transition soit moins compliquée. Par exemple, je peux faire écouter une chanson aux joueurs et joueuses pour les faire rentrer dans leurs personnages. À la fin du scénario, je leur fais écouter la même chanson, puis je leur laisse un moment de silence pour dire au revoir à leurs personnages. On peut aussi, je suppose, faire appel à d’autres sens.

On le combine parfois avec un autre rituel de fin de jeu. À la fin de Mad About the Boy (3), par exemple, après la chanson finale, nous avons chacune placé un élément de costume sur le sol pour dire au revoir à nos personnages.

Pour aider les gens à quitter leur personnage, on peut aussi leur demander de parler de leur personnage à la troisième personne une fois que la partie est terminée, pour souligner la différence entre joueuse et personnage.

Déléguer

Certains GN ont un organisateur s’occupant uniquement du bien-être des participant.es. Chacun est responsable du bien-être des autres, bien sûr, mais c’est parfois sympa d’avoir une personne dont c’est le boulot, puisque les organisateurs ont d’autres choses à faire.

Suivi

Le suivi veut dire que l’on ne laisse pas les gens partir chacun de leur côté après la partie. Du point de vue du groupe, il faut faire au moins un petit debrief pour aider les gens à gérer leurs sentiments. Extérioriser leurs sentiments aide généralement.

Pour les animateurs, en plus du debrief, il est possible de :

  • Rassembler les infos de contact des participant.es et les distribuer pour leur permettre de rester en contact après la partie.
  • Prendre des nouvelles de celles et ceux qui ont été en difficulté, quelques heures ou jours après.
  • Vous rendre disponible au bar ou au café après la partie pour pouvoir parler de manière moins formelle.

Pour les joueur.euses cela peut vouloir dire:

  • Prendre des nouvelles des gens avec qui vous avez partagé des moments intenses, en particulier si vous ressentez de l’animosité envers eux. Laissez à Bill l’occasion de s’excuser pour le truc qu’il a fait durant le jeu, ou partagez au moins votre ressenti avec lui. C’est parfois très dur. Faites-le quand même.
  • Prendre des nouvelles des gens qui ont été en difficulté, en particulier si vous en êtes responsable.
  • Canaliser vos sentiments par écrit, sous la forme d’un retour d'expérience (feedback) pour les organisateurs er les organisatrices, d’un post sur les réseaux sociaux, d’un e-mail, ou de quelque chose que vous garderez pour vous. Ne refoulez pas vos sentiments !
  • Faire un débrief avec les autres joueurs qui ont besoin de soutien.

Source : Takayuuki sur Deviantart

Ateliers et Debriefs

Je regroupe tout ça, parce que, bien qu’ils fassent partie de la sécurité émotionnelle, les ateliers et debriefs donnent une structure à beaucoup d’autres techniques. Pendant un atelier, un animateur a l’occasion d’être transparent, d’établir l’idée que la porte est ouverte et de laisser les joueuses négocier entre elles. De la même manière, durant un débrief, il peut demander aux joueurs s’ils veulent s’excuser pour quelque chose que leur personnage a fait, et suggérer que celles et ceux qui ont partagé des scènes intenses parlent ensemble. Les deux activités participent à créer une communauté.

Ce sont deux sujets à part entière, que j’ai déjà abordé dans d’autres articles. Vous pouvez retrouver mon article sur les ateliers ici (en), et celui sur les debriefs ici (en).

Conclusion

Je sais que ça revient probablement à enfoncer une punaise au marteau pour de nombreux lecteurs et lectrices, mais ce qu’il faut retenir, c’est que l’on ne sait jamais vraiment ce qui va se passer pendant une partie, et que même les parties les plus légères peuvent provoquer une réaction intense chez quelqu’un. Je ne pense pas que toutes les techniques doivent être utilisées à chaque fois, mais je pense qu’il est plus sage d’en utiliser au moins quelques-unes pour chaque partie. À minima, il vaut mieux utiliser les safewords, la Transparence, un Debrief et une technique de création de camaraderie.

Je pense que les gens, à chaque étape de la création d’un GN – orgas/animateur.trices, créatrices – ont leur part de responsabilité pour assurer la sécurité de tous.

  • Les créateurs peuvent le faire en disant à leurs animateurs de faire certaines choses.
  • Les animatrices peuvent le faire en créant des espaces sociaux où les pratiques de sécurité peuvent être utilisées.
  • Les joueurs et les joueuses peuvent le faire en prenant l’initiative et en utilisant certaines de ces techniques – par exemple la Négociation ou d’autres techniques de suivi – même si l’on ne le leur a pas demandé (4).

Avertissement

Je ne suis pas une experte en santé mentale, et je n’ai aucune qualification officielle. Je n’ai pas non plus inventé aucune de ces méthodes – ce sont des choses que j’ai absorbées en étant entourée de joueurs de jeux indé et d’adeptes du GN Nordique soucieux de sécurité. Les résultats peuvent varier.

Vous avez d’autres idées et questions ? Partagez-les dans les commentaires.

Article d'origine: A Primer on Safety in Roleplaying Games

Sélection de commentaires

Johanna MacDonald

Merci pour cet article ! J’ai deux remarques :

« Pause » et « Coupez » ne sont pas si durs à utiliser (en fait si, mais je pense qu’on pourrait arrêter de répéter l’histoire selon laquelle ce sont des mots « super trop durs à dire »), mais comme l’a dit [un commentaire précédent], cela devient plus facile si tout le monde s’entraîne à les utiliser lors d’ateliers.

Pour ce qui est des Invitations, c’est un peu le pendant des interruptions que l’on ignore souvent : on présuppose souvent que la personne qui va réduire l’intensité de la scène est celle qui joue la « victime ». Néanmoins, les scènes impliquant une dynamique de pouvoir intense, de la violence verbale ou physique, etc. n’affectent pas seulement la personne qui « subit » : elles ont aussi un grand impact sur le « bourreau ». Bien que toutes les joueuses doivent se sentir également impliquées dans la scène, celle dont le personnage « contrôle » la scène est souvent dans une meilleure position pour mesurer son niveau d’intensité.

Dans des GN récents, en particulier dans des scènes d’interrogatoire, je n’aurais pas pu m’en sortir sans Interruption. Je les utilisais tout simplement pour demander en murmurant, dans l’oreille de la personne, « Pause, tout va bien ? » et en attendant une réponse avant de continuer. Les GNistes peuvent être d’excellents acteurs ; il est très difficile de se rendre compte si on torture vraiment quelqu’un. Je me sentirais vraiment super mal si je traumatisais quelqu’un en jouant, et franchement ce n’est pas aux autres de m’en empêcher. Nous testons tous les deux les limites, nous sommes tous les deux responsables. Je pense que plutôt que détruire l’intégrité de la scène, cela me fait penser que la scène « vaut » d’être jouée par tout les deux et continue à être amusante.

Oliver Nøglebæk

Je m’assure toujours d’avoir pris mes précautions en termes de sécurité quand je joue ; parfois en suivant ce que préconisent les créateurs, parfois en rajoutant mes propres techniques.

Par exemple je ne vais jamais au-delà de 60% d’intensité sans vérifier auprès des autres joueurs, après que la partie a commencé, que le ton et le genre de jeu leur conviennent.

Acceptez que n’importe-quoi peut être un déclencheur (trigger) quand on est en GN. J’ai vu des gens couper des éléments de la narration d’introduction d’une scène, ressenti du bleed (5) lors d’un trajet en voiture entre deux lieux, et je me suis moi-même retrouvé paralysé d’angoisse lors d’un GN semi-humoristique. Ça arrive, il faut être prêt à ce genre d’éventualités, même si l’on pense que tout va bien.

Et comme toujours, il faut toujours prendre des nouvelles des autres joueur.euses avant et après le GN, en particulier les personnes avec qui je n’avais jamais joué avant. Ils ont besoin de me voir en dehors du jeu, et j’ai besoin de les voir. Ne quittez jamais un GN en étant encore dans votre personnage, cela ne cause que du ressentiment, en particulier lors des campagnes. Pour des GN intenses, je parle jusqu’à ce que je n’ait plus rien à dire. Puis j’attends, et j’en remets une couche une fois que mes sentiments se sont calmés.

Rei

Intéressant. J’ai tendance à jouer à des GN axés sur le fun et l’intrigue et moins sur une expérience émotionnelle, donc nous nous soucions généralement moins de ce genre de choses, bien que cela ait créé des discussions ces dernières années. J’aime parfois passer hors-jeu pour discuter rapidement de ce que nous voulons faire dans la scène en tant que joueuses.

J’ai récemment participé à un GN qui se déroulait pendant la Seconde Guerre Mondiale, et certains des joueurs jouaient des officiers allemands. Je suis très content.e que pendant les temps de pause, ils soient venus au bar pour discuter avec les autres, pour que l’on sache qu’ils étaient des gens sympas en dehors du jeu ! Je pense que ça les a aidé aussi, en particulier parce qu'il y avait beaucoup de joueurs et joueuses qui ont aimé s’opposer à eux en-jeu. J’ai aussi entendu dire qu’ils avaient des capacités qu’ils avaient décidé de ne pas utiliser, parce que ces GNistes eux-mêmes n’étaient pas à l’aise.

« Il est difficile de savoir ce qui sera difficile lors du jeu » - oui, et le truc pénible avec ça, c’est qu’il peut être tout aussi difficile de savoir ce qui sera difficile pour moi avant que je me retrouve dans la situation en question. Je n’avais pas anticipé à quel point un simple pouvoir de Présence/Majesté [des pouvoirs de contrôle mental/émotionnel (NDT)] à Vampire pouvait me faire péter un câble, jusqu’à ce que quelqu’un en utilise un sur moi.

Je trouve « La Porte est ouverte » intéressant. Je joue dans des GN où tout a été soigneusement prévu à l’avance et où tous les personnages sont essentiels à l’intrigue, et il y a beaucoup de pression pour ne pas quitter la partie sans avoir une bonne raison. De plus, on est toujours conscient qu’un orga qui a travaillé dur sur quelque chose pourrait être blessé et vexé si quelqu’un s’en allait. C’est pour cette raison qu’à plusieurs occasions, je me suis forcée à rester alors que je n’étais vraiment pas heureuse. Cela veut aussi dire que j’ai parfois évité des GN qui m’intéressaient parce que je n’étais pas certaine de passer un bon moment, et que je ne voulais pas risquer de rester coincée ou de m’attirer les foudres du groupe en partant parce que je ne m’amusais pas.

Cela dit, je sais à quel point cela peut être pénible quand mon intrigue est ruinée parce que quelqu’un est parti, et à quel point c'est blessant quand un participant d’un GN que j’organise s’en va, donc ce n’est pas déraisonnable. Généralement je ne pense pas que ce soit un problème, mais je pense que ce serait bien de rappeler que parfois un joueur doit juste partir, et que ce n'est de la faute de personne, ni des joueur.euses ni des organisteur.trices. Je pense aussi que savoir que je peux partir me donne un degré de contrôle qui implique que je n’aurais pas en fait besoin de [me retirer de la partie].

Réponse de Lizzie Stark

Même les GN les plus légers peuvent nous mettre en difficulté – je le sais parce que je l’ai vu se produire aussi bien dans des GN au ton très léger que dans des GN qui cherchaient à faire pleurer.

Je suis d’accord pour dire qu’il y a beaucoup de pression pour ne pas quitter le jeu. Mais je pense tout de même que chacun et chacune a le droit de s’en aller à tout moment. Ne serait-pas horrible si je me forçais à jouer pour ne pas te décevoir, et que tu découvrais plus tard que la partie avait été très pénible pour moi ? Il y a d’autres outils pour éviter que cela arrive, par exemple s’assurer que les autres vont bien pendant le GN. Les GNistes sont créatif.ives – si quelqu’un part, il doit être possible de continuer à bien jouer !

(1) NdT : le GN freeform est un type de GN avec très peu de règles, mettant l’accent sur l’improvisation collective. Pour une définition plus poussée, voir notre traduction du Dictionnaire jeepform ptgptb. [Retour]

(2) NdT : il semble que l'on l'appelle Salle sensorielle ptgptb [Retour]

(3) NdT : un GN norvégien post-apocalyptique, univers où tous les hommes ont disparu. Vous trouverez un passionnant retour sur ce GN chez nos amis d’Electro-GN. [Retour]

(4) NdT : et surtout les participants doivent garder en tête la devise "ne sois pas un connard !" - et ne pas déraper, jouer à fond et égoïstement ce qui leur plait avec l'excuse « c'est mon perso » ! [Retour]

(5) NdT : Le bleed désigne le partage d’émotions entre un joueur et son personnage, qui peut aller dans les deux sens. Plus d’infos dans cet article ptgptb. [Retour]

Note: 
Aucun vote pour le moment
Catégorie: 
Auteur: 
Nom du site d'Origine: 
Traducteur: 
Share

Ajouter un commentaire

Mention légale importante

Nous vous encourageons à faire un lien vers cette page plutôt que de la copier ailleurs, car toute reproduction de texte qui dépasse la longueur raisonnable d’une citation (c’est-à-dire, en règle générale, un ou deux paragraphes) est strictement interdite. Si vous reproduisez une grande partie ou la totalité du texte de cette page sans l’autorisation écrite de PTGPTB (version française), et que vous diffusez ladite copie publiquement (sites Web, blogs, forums, imprimés, etc.), vous reconnaissez que vous commettez délibérément une violation des lois sur le droit d’auteur, c’est-à-dire un acte illégal passible de poursuites judiciaires.