Jouer une campagne ou un scénario ?

Donc, vous avez votre livre de règles à portée de main, vous avez réuni vos joueurs et joueuses et vous savez à quel JdR vous voulez jouer. La question – que vous ne vous étiez peut-être pas posée – est la suivante : souhaitez-vous mener une campagne, ou cherchez-vous à mener un scénario (1) ?

Cette question peut prêter à confusion car, à mon avis, le terme « campagne » prend en fait  deux significations quand il s’agit de Jeu de Rôle sur table.

  • Le premier sens désigne toute partie longue dans la durée, le terme campagne est alors utilisé pour parler de l’ensemble des sessions de jeu d’une même partie de JdR [soit un arc narratif, pouvant comprendre plusieurs scénarios (NdT)].
  •  La seconde signification du terme désigne un genre de jeu, en vous informant de ce sur quoi va porter la partie. Quelque chose que vous devez savoir à l’avance et que vous voulez faire, car cela impacte la préparation de la partie et du cadre de jeu. 

Jouer en campagne

Commençons par définir ce qu’implique, à mon sens, une campagne. Il s’agit d’une partie qui n’a pas d’arc narratif général (meta plot) décrété à l’avance [en d’autres mots, c’est un bac-à-sable (NdT)]. Vous pouvez bien sûr produire des scénarios, vous pouvez avoir des histoires menant à d’autres histoires, vous pouvez même avoir des histoires qui font partie d’intrigues globales, mais ces histoires ne constituent pas l’objet principal de la partie. L’accent est mis sur l’univers de jeu et les gens qui en font partie ; on se concentre sur les Personnages-Joueurs et la façon dont ils interagissent avec leur environnement.

Les campagnes peuvent s’étendre sur de très longues périodes, il n’y a pas de fin préétablie, il y a juste une succession d’aventures et d’histoires variées vécues par les personnages. Peut-être que certains PJ vont mourir, que d’autres vont arrêter les aventures, et il est même possible, si vous jouez assez longtemps, qu’un certain nombre vieillissent, se marient, aient des enfants, et que le ou la joueur·se incarnera vite le rôle d’un de ces enfants. Je pense qu’une campagne correspond à la définition-même de « 100% centré sur le personnage » car très peu de choses autres que les Personnages des Joueurs·euses sont importantes à long terme, à moins que les personnages ne les rendent importantes. La ville d’où viennent les PJ ? Uniquement importante s’ils y restent ou y retournent. Cette reine que les PJ avaient sauvée du dragon? Uniquement importante si l’un·e d’eux (ou tou·tes) reste dans les environs, revient lui rendre visite, ou tente d’épouser sa fille/fils/elle-même/etc.

Comme je l’ai évoqué précédemment, une campagne n’est pas l’absence de scénario, c’est un regard recentré. L’histoire d’une campagne n’est pas « L’intrigue pour lutter contre Alejandro le sorcier maléfique et sauver le monde », c’est « L’histoire de ces 4-6 aventurier·es qui ont, ou peut-être pas, pris conscience d’avoir sauvé le monde un mardi en destituant Alejandro le sorcier maléfique. » Vous voyez la différence ?

Scénario

Une partie suivant le fil rouge d’un scénario, c’est l’inverse. La partie peut aussi être centrée sur les personnages mais dès le début (ou presque), elle est orientée vers une fin ou une autre. Il y a un début, un milieu, et une fin, qui sont bien distincts et qui constituent la ligne directrice suivie par le MJ au fur et à mesure que la partie se déroule. Les personnages sont emportés par les évènements, et l’histoire est moins centrée sur eux [que dans une campagne (NdT)]. Au lieu de cela, ils sont les personnages principaux, les protagonistes, d’un récit constitué de conflits, d’enjeux, et de toutes les choses habituelles que vous avez dans les histoires.

Dans un scénario, les PJ sont un peu moins puissants [narrativement parlant, que dans une campagne (NdT)] car les évènements de l’intrigue les guident. Ils peuvent avoir (et devraient avoir) la liberté d’aller où ils veulent et de faire des choix, mais l’intrigue reste présente et constitue un garde-corps les repoussant le long du chemin où se déroule le récit. Les déclarations du ou de la MJ ont un grand poids, par leur pertinence vis-à-vis de l’intrigue définie.

Ce village d’origine et cette reine peuvent devenir importants – même si les PJ ne s’en soucient pas trop – si ce sont des éléments participant à l’intrigue toute tracée.
Fondamentalement, une partie conduite par un scénario est à l’opposé du descriptif cité plus haut. C’est « L’histoire de comment 4-6 héros ont sauvé le monde du sorcier maléfique Alejandro », plutôt que l’autre option.

Préférence personnelle

D’après mon expérience, je peux dire que différent·es MJ aiment des choses différentes. J’ai plutôt tendance à mener beaucoup de scénarios . Je n’en connais pas la raison, mais c’est le cas. J’aime avoir une fin prédéfinie, j’aime avoir une piste menant quelque part. J’aime être en mesure de définir l’intrigue, la planifier, et faire en sorte que les évènements se déroulent au contact des personnages.

Ces derniers temps, j’ai ressenti l’envie de mener une campagne. Avoir la possibilité de mener une partie à plus long-terme, focalisée sur les PJ et leurs interactions avec le monde qui les entoure. La faire durer longtemps, peut-être faire des bonds temporels pour qu’à la fin de la partie (quand on sera d’accord pour la terminer), les joueur·ses soient en train de jouer la descendance de leurs PJ, ou d’autres personnages. Je m’essayerai peut-être à cette manière de mener des parties, une fois que celles en cours seront finies.

Qu’en est-il pour vous ? Que préférez-vous ? Qu’avez-vous l’habitude de mener? Avez-vous d’étranges envies de changer votre façon de faire, pour tester autre chose? (2)

Sélection de commentaires

rologutwein

En utilisant tes termes, je dirais que je mène des campagnes – bien qu’elles contiennent de nombreux éléments narratifs définis. Ma campagne Star Wars (comme d’habitude) en est un excellent exemple. Ça racontait (et raconte toujours) le périple d’un groupe traversant divers évènements de l’Histoire Galactique dans l’univers de Star Wars . Dans le cadre de cette longue campagne, il y a eu des histoires et intrigues à profusion, où les joueur·ses étaient toujours au centre de la partie pour éviter de les perdre ou de les éclipser derrière de « foutus grands héros » comme Luc, Han ou Leia.

À leur façon, les PJ de cette campagne sont devenu·es de très célèbres et puissants héros et héroïnes. Les PJ ne se contentent plus de juste « suivre les ordres » de leurs supérieur·es, le groupe prend désormais des décisions affectant l’Histoire Galactique.

Je pense que la principale raison pour laquelle je préfère ce type de jeu, c’est cette focalisation sur les joueur·ses – il y a aussi le fait que je n’aime pas avoir de fin prédéfinie. Je suis habituellement disposé à aller aussi loin que le souhaitent les joueur·ses. Bon sang ! Je peux m’imaginer continuant à mener cette même campagne en étant plus vieux et plus grisonnant.

À quel point veux-tu changer de façon de jouer ? Tu sais, ça ne peut pas être mauvais pour une nouvelle partie, d’avoir un début et une fin –  surtout en voyant que tant de mes campagnes récentes s’essoufflent en quelques mois. Je me demande juste comment ça se passerait avec mes joueur·ses. Agiraient-ils différemment en sachant que lorsqu’arrive le « chapitre final », c’est vraiment la fin de la partie ? Seraient-ils plus enclin à « se sacrifier », à tenter une mort glorieuse ? Ou joueraient-ils encore comme si la survie de leur personnage restait importante pour eux… ? Je me le demande.

Anthony Laffan

On peut obtenir un tas de réactions fascinantes de la part des joueur·ses, pendant un scénario. Il est évident que les gens se soucient de leurs personnages, mais tu as raison quand tu parles de ce qui peut se passer quand la fin de partie approche. Quand c’est la dernière séance de jeu, c’est important pour ton personnage, il est beaucoup plus facile de finir « dans un grand Boum ». Ouais, t’es mort, ouais c’était grand et triste et important, mais c’est plus simple à gérer en méta-jeu, même si ton personnage est haut niveau, car le jeu lui-même se termine. De cette façon, le cerveau du joueur·se n’est pas en train de lui hurler « Mais je veux continuer à jouer ce PJ ! » et c’est plus facile de laisser le personnage finir comme il veut.

J’ai lu quelque part la différence entre « scénario » et « campagne ». Je pense que le DXM Manual de Tracy Hickman wiki [traitant des structures narratives (NdT)] prodigue beaucoup de bons conseils (même si certains sont un peu basiques). Je crois que je connaissais déjà les différences auparavant, mais il a fixé les notions, alors le mérite lui revient.

Il y a autre chose que je n’ai pas mentionné. Ce n’est pas parce que vous faites un « scénario » que vous ne pouvez faire des suites [après la fin de l’histoire]. Cela ne signifie pas non plus que la partie ne peut pas se transformer en campagne (et inversement). C’est juste l’élément central de la narration : l’intrigue, dont les PJ sont les personnages principaux  , ou bien les personnages qui composent l’intégralité de la partie (plus ou moins).

Article original : A Campaign or A Story?

(1) NdT : Dans cet article de 2010, l’auteur utilise les termes campaign et story que nous avons choisi de traduire respectivement par « campagne » et « scénario ». [Retour]

(2) NdT : De même, Phil Vecchione dans Comme on prépare on maîtriseptgptb invite à changer de style de maîtrise. Il y a un lien, parce qu’évidemment quand vous laissez toute liberté aux joueurs ils vous surprennent et vous improvisez, alors que dérouler le fil d’une intrigue demande de la préparation [Retour]

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