Critique de My Life with Master

NdT 1 : Paru en anglais en 2003, en français en 2012, MLWM n'est pas une nouveauté; mais il constitua une étape importante dans l'Histoire de la création de JdR, par son format court et concentré, illustrant la recherche de la fusion du thème et des règles. C'est pourquoi nous avons traduit cette critique.

NdT 2 : nous n’avons pas vérifié que les termes de règles traduits ici correspondent à la version de La boîte à Heuhh ! Tout lecteur possédant l’ouvrage en français et voyant des différences est prié de nous contacter à ptgptbvf chez free point fr ou de laisser un commentaire… Merci !

NdT 3 : les liens ont été rajoutés par nos soins.

Greg Costikyan avait déclaré un jour qu’un jeu de rôle peut soit faire mal beaucoup de choses, soit en faire une seule parfaitement. À l’époque, il écrivait des JdR comme Paranoïa (grog), un parfait exemple de jeu qui reproduit en effet très bien un seul type de jeu.

Bien sûr, le jury délibère encore. Une des forces d’un JdR comme Trinity (grog) est qu’il combine une multitude de concepts de science-fiction, de thèmes et d’approches. Vous pouvez ainsi sélectionner le genre que vous voulez mener, que ce soit un Space Opera bourré d’actions super-héroïques ou une SF sombre et dure, débordant de conspirations. D’autres jeux de rôles, comme Blue Planet (grog) fournissent un monde presque entièrement neutre, pas vide d’action mais libre de toute narration ou type de trame définie ; tout ce qui se passe sur Poséidon a un arrière-gout de “politique au Far West”, mais les types d’histoires que vous pourriez maîtriser dans cet univers sont visiblement (et délibérément) absentes de l’ouvrage.

La plupart des grands jeux de rôles sur le marché adoptent cette approche ; nous fournissons les outils – l’apparence, les lois de la physique, les personnages, les lieux, et même ces derniers temps les clichés du genre que l’on veut reproduire – mais vous décidez de ce qu’ils façonnent. Deux bons exemples sont Exaltés (grog) et Unknown Armies (grog), qui définissent le ressenti bien plus que la structure narrative. D’autres, comme D&D, définissent le type de choses que vous ferez, les structures et défis de l’intrigue, mais laisseront le ressenti de la partie et une grande partie du décor au MJ (ou à un supplément). D’autres encore, comme Buffy (grog) ou Feng Shui (grog) fonctionnent en encourageant l’émulation d’une structure narrative particulière, bien connue à travers d’autres médias, non seulement dans le cadre mais aussi dans la construction de l’intrigue, au point de créer le ressenti narratif dans les règles de la partie et dans la conception du personnage.

Puis vient l’étape suivante, qui ces jours-ci est le produit du nouveau millénaire, et fait fureur sur les terres de The Forge [forum de créateurs de JdR, à dominante narrativiste (NdT)], où les JdR étiquetés indépendants surgissent, tels de sombres fantômes, aux frontières de la conscience. Il s’agit de jouer de moins en moins avec le côté simulation/ immersion et l’interprétation d’un personnage, et il s’agit de plus en plus de construire des règles pour créer activement le récit, plutôt que [simuler] ce que les personnages y font. Certains JdR sont à mi-chemin (InSpectres (grog), Dust Devils (grog)), tandis que d’autres sont presque exclusivement des machines à raconter des histoires (Universalis, The Pool).

Jusqu’à présent, la plupart des JdR à construction d’histoire ont été assez génériques, ce qui nous ramène à cette citation ci-dessus. Paul Czege adopte l’angle d’un focus très restreint sur un genre très spécifique – comme on le voit dans des JdR comme Dust Devils et Paladin – et l’applique totalement à l’histoire. Dans sa précédente petite création (Nicotine Girls), le résultat final était quelque chose qui semblait initialement plus proche d’un programme informatique que d’un jeu de rôle – vous y saisissez simplement vos stats, jouez les probabilités, et il crachera les scènes que vous devez jouer, et le résultat de votre histoire. D’une certaine façon, votre personnage n’a plus de choix du dénouement de ses aventures, et il y a peu de chances qu’il soit heureux aussi.

My Life With Master

Mais Nicotine Girls était plus une expérience qu’un JdR abouti. My Life with Master construit, étend, élabore et améliore ce concept, produisant en conséquence quelque chose non seulement de plus intéressant, mais avec bon espoir que davantage de personnes seront prêtes à l’essayer – en supposant qu’ils arrivent à passer outre le titre.

Malgré les apparences, My Life With Master (grog) (ci-après MLWM) n’a rien à voir avec les séries télé kung-fu ou même Doctor Who. MLWM est plutôt un JdR d’horreur sur ce que c’est d’être Igor, Quasimodo, ou peut-être le golem du rabbin Loew. C’est le JdR où vous incarnez le sbire souffreteux et difforme d’un génie maléfique et dément. Archétypiquement situé aux alentours de 1805, dans un village rural, perpétuellement lugubre, irrémédiablement isolé d’Europe centrale, vous servirez votre maître en allant voler des corps, en enlevant de belles jeunes femmes et assez probablement en étant tué par la foule enragée dans l’avant-dernier acte, alors qu’elle se dirige vers le domaine de votre maître avec des torches enflammées. Comme vous l’avez peut-être compris, l’atmosphère gothique (dans la définition cinématographique) suinte dès la première page, grâce principalement au génie de Paul Czege pour le langage écrit, transmettant autant des images poétiques étonnantes que des informations limpides avec la même économie exquise.

Czege comprend aussi profondément et fondamentalement son genre. J’ai toujours considéré que le simple fait de lire et de jouer à des JdR était un enseignement littéraire, parce que les JdR d’émulation cristallisent des conventions de genre et nous apprennent ainsi à mieux comprendre ce type de genre, aussi bien qu’à affûter notre instinct pour repérer de telles choses ailleurs. MLWM en est un parfait exemple, alors qu’il devient vite difficile de distinguer son choix d’attributs d’une déconstruction académique de haut rang des archétypes de personnages des films d’horreur gothique, à un niveau qui pourrait facilement être trouvé sur une liste de lectures recommandées à l’université. Au final, même si vous ne jouez jamais à ce JdR, vous serez plus instruit rien qu’en l’ayant lu.

Cela ne signifie pas que ce soit toujours aride ou ennuyeux. Comme je l’ai dit, Czege écrit à la fois avec économie et avec verve, ce qui signifie que vous avez appris la prochaine page de règles au moment où vous avez fini de savourer l’imagerie lugubre qu’il évoquait. La version PDF (ne vous inquiétez pas, la version papier est aussi disponible) fait 64 pages mais cela inclut beaucoup de lignes aérées et d’illustrations, avec au final un livre ne dépassant pas les dix mille mots. Ceux qui enragent contre les créateurs de jeux de rôles qui osent leur demander de l’argent pour quoi que ce soit de plus petit que l’Encyclopaedia Brittanica devraient s’arrêter de lire maintenant. Ceux qui savent que les bonnes choses peuvent se présenter en petits formats peuvent se rapprocher de l’âtre et me laisser dépeindre la pleine ampleur de la morbidité qui vous y attend.

Une partie de MLWM commence avec des joueurs et un MJ concevant leur Maître, et le livre fait de même. Les Maîtres ont deux “caracs”, mais conformément à l’approche du jeu, ces caracs ne sont pas vraiment des indicateurs d’aptitudes individuelles. La Peur détermine l’emprise du Maître sur ses Sbires, sur les habitants de la cité et même sur le paysage. La Raison, d’autre part, détermine à quel point les habitants et la société (et parfois les Sbires) sont en mesure d’échapper à l’emprise redoutable du Maître sur leurs cœurs et leurs esprits. En outre les Maîtres sont définis par leur Aspect et leur Caractère, les Désirs et Besoins. L’Aspect et les Désirs décrivent le comportement du Maître, tandis que le Caractère et les Besoins déterminent la nature des méfaits qu’il commet. Les choix faits ici n’ont pas d’effet dans la partie, ils sont présents juste pour déterminer le cadre de l’histoire et, grâce à l’œil acéré de Czege pour le genre, pour s’assurer que l’histoire et ses créateurs soient pile dans la bonne ambiance.

Les joueurs se lancent ensuite dans la création de leurs Sbires, qui ont trois caracs. Les deux principales sont Dégoût de soi et Lassitude. Aucun n’est une bonne chose. Le Dégoût de soi indique à quel point le Sbire croit qu’il est un monstre, l’aide à faire de mauvaises actions, et rend plus facile sa manipulation par le Maître. La Lassitude indique à quel point le Sbire est devenu inconsolable sur son sort, ce qui entrave sa capacité à mener à bien les actions qu’ordonne son Maître, mais cela lui rend aussi la résistance aux ordres du Maître plus difficile.

Oui, tous deux vous rendent les choses plus difficiles : MLWM partage avec Nicotine Girls la même dureté presque insupportable envers les personnages-joueurs, dans les caracs autant que dans l’histoire. En conséquence, aucun jeu de rôle depuis Wraith (grog) n’a été aussi sombre et désespéré.

La seule lueur d’espoir dans la vie d’un Sbire est l’Amour. L’Amour mesure les rapports entre le Sbire et quelques Connaissances parmi les habitants du bourg, comme la petite fille aveugle qui ne peut pas voir votre visage monstrueux. Cette carac commence à zéro, mais en interprétant - lors des parties - des tentatives de tendresse envers les (PNJ) proches, l’Amour augmentera. Plus vous obtenez de l’Amour plus vous aurez de chances de désobéir à votre Maître et de vous libérer de son effroyable emprise. Bien sûr, les tentatives ratées sous Amour augmentent aussi le Dégoût de soi, et le cycle continue.

Les Sbires ont aussi un avantage et un défaut, choses qui les rendent à la fois supérieurs et inférieurs aux humains. Ce sont des absolus : ils n’affectent pas les jets de dés, ils les rendent impossibles. Un Sbire muet ne peut jamais faire un jet pour parler ; un autre à la force surhumaine gagnera toujours un combat. Cependant, pour ne pas bloquer la tragédie, chacun des avantages a aussi une limitation. Le sbire muet peut être capable de chanter des cantiques magnifiques (que peut-être son amour entendra ?) ; une brute à la puissance inhumaine peut se retrouver sans force à la lumière du soleil (pourtant son Maître continue cruellement à l’y envoyer). Ce sont de purs descripteurs, comme les Désirs et les Besoins du Maître ; où ils déterminent l’arrière-plan pour toute l’histoire, et génèrent les idées pour les scènes individuelles, comme tous bons avantages et défauts devraient le faire.

Retour aux chiffres : tous varient de un à environ cinq ou six. Les mécanismes du jeu se basent sur des scènes ; un joueur décrit ce qu’il veut faire dans une situation donnée (résister aux ordres de son Maître, exécuter une action contre les habitants de la cité ou un autre Sbire, faire une déclaration d’Amour) et on fait un jet de dé en opposition. Les détails du jet dépendent de la nature de l’action, normalement une de ces trois plus haut. Par exemple, pour résister aux ordres de votre Maître, vous lancez un dé avec votre Amour moins votre Lassitude tandis qu’il lance sa Peur plus votre Dégoût de soi (sous les auspices du MJ).

Une fois ces totaux calculés, le résultat représente la quantité de d4 à lancer par chaque camp. Tous les résultats de 4 sont défaussés, on compare le total des autres, et le gagnant voit les événements aller dans son sens pour cette scène. Ce résultat est alors conté ou interprété. Généralement, les succès et les échecs changeront aussi les caracs du Sbire.

Quelques trucs apparaissent vite : premièrement, jusqu’à ce que le score d’Amour soit élevé, vous raterez de nombreux jets de dés. En effet, la partie se termine vraiment quand un Sbire résiste à un ordre du Maître, si l’Amour aussi est suffisamment fort (plus élevé que la Peur et la Lassitude combinées). Ce n’est pas un JdR pour les amateurs de succès ou de scores élevés. En effet, vous pourriez penser qu’il est impossible de réussir si le Dégoût de soi ne cesse d’augmenter, mais il ne peut jamais dépasser le total d’Amour et de Raison ; chaque fois que cela devrait arriver, il reste au même niveau et quelque chose d’horrible se produit ailleurs dans le village. C’est l’un des rares défauts que j’ai trouvés dans le mécanisme de jeu : avec des scores élevés en Dégoût de soi et faibles en Raison, cela va arriver tout le temps. Bien sûr, cela aide à construire l’épouvante, mais les scènes n’impliquant aucun des personnages principaux devraient, je pense, rapidement devenir ennuyeuses pour les joueurs concernés. Personne ne se préoccupe des PNJ, même s’ils sont joués par les PJ.

Toutefois il y a un moyen de contourner tous ces échecs. Des dés de bonus – un d4, un d6 et un d8 – sont disponibles pour être ajoutés à n’importe quel jet de dé (de chaque camp, bien que le Maître ne puisse jamais utiliser de d8) si les PJ rendent leurs dramatiques déclarations suffisamment poignantes pour les gagner. Le d4 peut être obtenu pour l’Intimité (un Maître peignant les jolis cheveux de son Sbire, un Sbire soignant un enfant blessé…), le d6 pour le Désespoir (un Sbire demandant grâce, un habitant du bourg se défendant de toutes ses forces…) et le d8 pour la Sincérité (un Sbire mettant à nu toutes ses faiblesses et se jetant aux pieds de son Maître ou de sa dulcinée). Les impacts tant émotionnels que mécaniques de ces dés sont parfaitement clairs, et ils semblent bien équilibrer le jeu. J’aurais seulement souhaité qu’il y ait plus de conseils sur quand les distribuer, car cela revient uniquement au bon vouloir du MJ – et ces dés sont en quantité infinie.

Une deuxième chose qui se produit avec tous ces totaux à lancer est qu’il y en a beaucoup à garder en tête, surtout lorsque les caractéristiques – sur lesquelles ils sont basés – changent continuellement. Heureusement, ils sont tous compilés dans un tableau à la fin du livre. Je pense cependant que ce serait mieux s’ils étaient sur la feuille de personnage à la place des conditions de fin de partie – bien que ces dernières soient importantes pour que vous puissiez connaître le but à atteindre.

Une fois de plus, je parle de la fin de la partie. Oui, le moment où la partie se termine (ou plutôt, atteint son apogée/paroxysme) dépend d’un jet de dé. Qui plus est, la fin de la partie dépend des totaux des caracs. Lorsqu’elle survient, le Sbire qui a fait le jet en question déclenche une violente dispute avec le Maître, lutte qui finira probablement par la mort de ce dernier. Dans l’intervalle, les autres doivent faire face à leur situation actuelle, sans le bénéfice de la Peur à leurs jets de dés. Le résultat final pour les personnages est également limité par divers totaux de leurs caracs. Par exemple, si Dégoût de soi plus Lassitude est supérieur à Amour plus Raison, le Sbire est tué, mais si Dégoût de soi est supérieur à Lassitude plus Raison, il se suicide.

Il y a là des choix à faire ; bien que les dés déterminent la façon dont les caractéristiques varient vers le haut ou le bas, les joueurs peuvent choisir quelque peu leurs scènes et tendre ainsi vers les résultats qu’ils désirent. Je voudrais cependant que les totaux soient plus transparents. Non seulement il est difficile de les comprendre mécaniquement (Interro surprise : si vous voulez augmenter vos chances de suicide, est-il préférable d’essayer de tuer les villageois ou de répondre mal à votre Maître ?), mais il est aussi très difficile de voir ce que cela signifie au sein de l’histoire. Si ce jeu de rôle est un programme informatique, son code que je ne peux pas toujours comprendre et ses résultats loin d’être clairs le rendent terriblement mystérieux. Cependant, le côté positif de cela, est que les joueurs peuvent encore être surpris par les effets et les rebondissements de l’histoire… mais il semble étrange que cela découle du fait de la méconnaissance ou de l’opacité des règles, et pas seulement du côté imprévisible des dés.

Passé les mécanismes, le livre se termine par un chapitre sur comment mener les parties. Il offre quelques conseils sur la mise en place des scènes intéressantes, ce qui est utile, mais probablement pas assez pour les débutants - par exemple, rien n’est indiqué sur le fait que les PJ seront souvent séparés pour toute la durée de la partie, et par conséquent que c’est bien davantage un exercice d’interprétation de rôle (performance) que dans la plupart des JdR.

S’ensuivent des astuces pour jouer le Maître, et des conseils sur une création correcte des Sbires, pour tirer le meilleur parti des accroches que les deux rôles proposent. Nous terminons sur un exemple détaillé de partie, utile et très apprécié.

Bon : si vous avez tenu jusque ici, vous êtes probablement d’accord avec l’approche quelque peu différente de MLWM envers le jeu de rôle. Je peux dire avec une certaine confiance que les règles font leur boulot correctement ; je peux attester sans l’ombre d’un doute que les descriptions et la saveur du texte posent parfaitement l’ambiance. Avec un petit peu de travail, on peut produire des semaines de parties d’horreurs profondément dérangeantes avec ce livre. Il n’y a pas de doute que c’est un jeu de rôle d’une qualité remarquable et d’un éclat unique et, de plus, un ouvrage qui pousse les idées de la conception de JdR dans de nouvelles directions excitantes. Ses défauts sont largement compensés par son intelligence, son style et sa merveilleuse originalité.

La seule question qui se pose est : voulez-vous y jouer ?

Si vous avez une quelconque attraction pour les JdR d’horreur et les mécanismes narratifs, la réponse sera très probablement oui. Le seul obstacle que je peux voir surgir est de n’avoir aucune connaissance ou passion pour le sujet en question. Mais le charme de MLWM est qu’il n’a pas besoin de se situer dans le manoir gothique d’un quelconque village européen. Il fonctionne partout où il y a des Maîtres et des Sbires, et en tant que rôlistes, nous savons qu’ils peuvent vivre dans n’importe quel genre d’endroit. Langue de Serpent dans Le Seigneur des anneaux est un Sbire typique en médiéval-fantastique (rappelez-vous en particulier comment son histoire se termine (1)) ; les acolytes de Gloria dans Buffy conviennent parfaitement ; les amiraux Piett et Needa, sous-fifres de Vador seraient amusants ; et même les Borgs dans Star Trek, bien que stupides, pourraient être envisageables. Pour encore plus de plaisir vous pourriez utiliser les seconds couteaux de James Bond comme Oddjob ou Tric-Trac (wiki), ou ceux empotés de dessins animés comme les ogres dans Les Gummi (wiki) (Duke Igthorn fait un modèle exquis pour un Maître) et on pourrait même avancer l’argument que les héros des films Aliens sont des Sbires (de toutes sortes), assignés à faire échouer les buts malfaisants du Maître Burke. Mince, je regardais justement Le Shérif est en prison (wiki), et le personnage de Mongo (et son évolution) est clairement une campagne en cours de MLWM.

Qui plus est, la notion de Maître peut même devenir métaphorique, et c’est le secret le plus profond de ce jeu. En surface, ça parle d’Igor essayant d’échapper au Dr Frankenstein, mais tous hormis le lecteur le plus superficiel vont vite découvrir qu’il y a un niveau de lecture plus profond, parlant d’échapper à une relation toxique, que ce soit une drogue (comme dans Nicotine Girls), une obsession ou un être cher.

En regardant les deux JdR, je pense que si Czege n’est pas employé comme conseiller pour couples ou assistant social, il connaît probablement quelqu’un qui y travaille, parce qu’il y a peu de représentations de l’addiction dans la littérature qui soient si brutalement précises. En effet, je pense que ce JdR de “vilenie, de dégoût de soi et d’amour non partagé” n’est pas seulement effrayant, il pourrait être considéré comme une thérapie, et vous pourriez vous retrouver à appuyer où ça fait mal chez vos joueurs. Ce qui en fait l’un des très rares jeux de rôles d’horreur qui peuvent effectivement avoir besoin de mises en garde, et peut-être même aussi de codes de sécurité (wiki) (2).

Le niveau d’érudition et de perspicacité dans sa déconstruction de genre fait de MLWM un jeu de rôle que je serais heureux de présenter à un professeur de littérature comme un ajout possible à sa bibliothèque. En outre, le potentiel de profondeur psychologique et de catharsis émotionnelle de son déroulement en jeu en fait un JdR que je donnerais avec enthousiasme à un thérapeute ou à une infirmière comme quelque chose qui pourrait très probablement entrer dans leur boîte à outils. Par conséquent même si vous n’y jouerez jamais, la simple lecture de ses quelques pages, faciles à digérer, non seulement vous rendra plus intelligent, mais elle pourrait également vous aider à découvrir un petit quelque chose sur les recoins les plus sombres de votre psyché.

Cela vaut certainement neuf dollars, non ?

Forme : 5 (Excellent)

Fond : 5 (Excellent !!)

Les cloches ! Les cloches ! Esmerelda ! Esmerelda ! Nooooooon !

Article original : Review of My Life with Master

(1) NdT : Pour ceux qui ne le savent pas – car l’épisode de “l’occupation de la Comté” n’est pas dans les films –, Grima est enragé par l’ingratitude de son maître Saroumane ; il lui saute dessus et lui tranche la gorge, avant d’être abattu par des archers hobbits. [Retour]

(2) NdT : En JdR ce seront plutôt des phrases du type “Cette scène me met mal à l’aise”. Des articles, comme La Carte X ont suggéré des accessoires du type carte “Stop” ou zone à tapoter au milieu de la table, comme média d’expression indirect pour les rôlistes qui souhaitent que la scène s’arrête, mais ne veulent pas expliquer pourquoi. [Retour]

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Pour aller plus loin avec PTGPTB…

Critique de Dog eat Dog : Dog Eat Dog, dont le thème est le colonialisme, devrait être enseigné dans les écoles. Mais c’est aussi sans doute le meilleur jeu auquel vous ne voudrez plus jamais jouer.

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