Les 4 Etapes de l'action

The Forge

"j'attaque" - un concept moins facile à gérer en partie, qu'il n'y paraît.

NdT: message envoyé le 23 octobre 2001 sur le forum The Forge

Salut Manu, je suis enfin prêt à aborder les questions dans ce message mais crois-moi, c'est du lourd. J'espère que ça nous conduira quelque part...

Prenons un événement d’une partie de JdR considéré comme  « ayant eut lieu » dans l'univers de jeu. Je repense à la partie d'hier soir et je peux dire : « Sébastian a tué l'ogre ».

Désormais, toi et moi savons que Sam (le joueur) et le reste des personnes avec lesquels il a joué, ont dû faire quelque chose pour établir ce fait. Des dés ou je ne sais quoi peuvent avoir été impliqués, mais fondamentalement ça s'est fait de façon sociale et verbale. Sam a dû proposer quelque chose, et à travers un mécanisme quelconque, tous les autres ont été d'accord avec cette proposition et avec la façon dont c'est arrivé.

Le sujet que nous abordons ici n'implique pas (en tout cas, pas initialement) les mécanismes DAK (Dramaturgie, Aléatoire et Karmaptgptb), mais plutôt la communication entre les rôlistes (joueurs et MJ) afin d'établir ce qui s'est produit. Je parle de ce que Sam ou quiconque ont pu dire durant ce processus.

OK, durant la partie voilà où nous en sommes. Sam joue Sebastian et il y a le gros ogre maléfique. Sam dit: “je l'attaque!”

Que diable Sam vient-il d’établir dans l’imaginaire de l’univers de jeu ? En fonction du système de règles et/ou du groupe, cela peut être n'importe quoi parmi ce qui suit.

Intention : Sam a annoncé l'intention de Sebastian mais dans le monde de jeu, Sebastian n'a pas encore bougé ou fait quoi que ce soit. On doit attendre une autre phase du processus pour cela.

NdT : pour mieux percevoir les différences que l’interprétation de la déclaration entraîne, nous allons rajouter une réaction de MJ.---

Interprétation de l'Intention :

Sam : « j'attaque »

MJ : « OK, je vais maintenant tirer l’Initiative de l’Ogre. — L'Ogre a l’initiative, c’est lui qui attaque Sebastian. Veux-tu changer la posture de Sebastian ? »

Sam : « hein ? Pourquoi ne résout-on pas le coup de Sebastian? »

Entame : Sebastian est officiellement entré dans l'action. Son épée est levée, il se déplace, il grimace, etc.

NdT : Entame

Sam : « j'attaque »

MJ : « lorsque Sebastian avance en levant son épée, le nécromancien derrière l’Ogre lance un sort de Pétrification »

Sam : « non, non, je faisais juste une déclaration d’intention ! »

Finalisation : Sebastian a terminé son coup d'épée. L'action et tout ce qu'elle implique, est terminée.

NdT : Finalisation

Sam: « j'attaque »

MJ : « cela te coûte 3 rangs d’actions et nous résoudrons ce qui se passe à la phase 4. Qui d’autre agit à la phase 1 ? »

Effet : le coup d'épée de Sebastian a produit ses conséquences et nous avons établi exactement de ce qui est arrivé à l'ogre et à Sebastian.

NdT : Effet

Sam : « j'attaque »

MJ : « OK, Sebastian assène une volée de coups à l’Ogre, qui s’effondre. Un escalier s’enfonce dans les ténèbres… » (dans de nombreux JdR narrativistes, on ne se donne plus la peine de jouer les combats disproportionnés)

Dans les vraies parties de JdR, j'ai vu chacune de ces catégories être une interprétation de la déclaration de Sam.

Pour qu'une situation de jeu de rôle puisse être fonctionnelle au niveau le plus élémentaire, le groupe dans son ensemble doit connaître, et s'entendre sur, le type de situations dont il s'agit.

Je pense que la plupart d'entre-nous ressentent à quel point il peut être discordant, perturbant et désagréable lorsque des gens autour d'une table de jeu de rôle sont en désaccord sur  la catégorie à laquelle appartient l’action annoncée.

"Mais je l'ai dit!" est la conclusion. Qu'avez-vous réellement dit? Intention, Entame, Finalisation ou Effet?

Les JdR, dans leurs conceptions, diffèrent dans le degré où ils établissent ou assument le statut de l'annonce de Sam, au regard des quatre catégories.

La solution la plus courante, et de loin, est de briser les liens de causalité de l'univers de jeu en leur donnant une forme linéaire.

1) Établir un ordre d'action parmi tous les participants. Chaque personnage peut désormais être considéré comme «gelé » au début de la séquence.

2) Résoudre l'action du premier participant en termes de (a) dégel, de telle façon que le joueur puisse annoncer complètement son action ; (b) mouvements du personnage de l'entame à la finalisation jusqu'au résultat.

3) Procéder ainsi avec tous les personnages.

Veuillez noter que ce paradigme existe avec ou sans intervention de l'Aléatoire. Dans Champions, l'étape 1 est fixée par la Vitesse et la Dextérité alors que dans d'autres jeux, chaque round requiert une nouvelle détermination d'initiative (par exemple un jet de dès). Dans d'autres encore, l'ordre est purement méta-ludique du genre : « dans le sens des aiguilles d'une montre » ou de quelque chose comme ça. Pour ce sujet, cette distinction importe peu.

Plusieurs modifications de ce paradigme existent. Elles incluent :

  • Les actions « retardées » - qui permettent explicitement au personnage de réserver ses actions au delà de l'ordre déterminé, afin de les utiliser comme une « interruption »  juste avant les actions d'un autre personnage.
  • La possibilité de formaliser et fixer une déclaration d'intentions avant l'étape deux. Par exemple : dans Sun & Storm, les actions des personnages sont annoncées du plus lent au plus rapide entre les étapes 1 et 2 et sont ensuite résolues normalement dans l'ordre du plus rapide au plus lent.
  • Le ait d'assigner un coût en points aux actions de telle sorte que l'on puisse gérer une ressource et distribuer ses moments d'action durant le round (exemple : les “Coûts en Segments” dans Feng Shui).

J’avance que cette approche du problème est fonctionnelle mais a ses limites. Par exemple, les actions « retardées » tendent à favoriser que tout le monde annonce « je retiens mon action » et que l’on joue de multiples interruptions au tour des uns et des autres. De même, certains n'aiment pas ce que l'effet « gel » engendre au niveau de l'imaginaire.

Toutefois, ce paradigme n'est pas le seul et l'unique. Un autre est essentiellement le « laisser faire ». Dans ce cas, tout le monde est censé s'accorder de façon informelle sur l'ordre d'action. En pratique, ça veut généralement dire que le MJ peut réarranger qui va agir en premier et ce qui arrive pour chaque type d'actions dans une situation de groupe. The Window fonctionne de cette façon en supposant que la bonne foi de chacun est plus fiable qu’une méthode étape par étape. En pratique, ça donne généralement tellement de pouvoir au MJ qu'il ou elle pourrait tout aussi bien écrire la scène dans son intégralité (en particulier dans la mesure où de nombreuses scènes de tension dépendent énormément du séquençage des actions).

J'ai constaté que la méthode du « laisser faire » échouait souvent, à cause de confusions entre les quatre catégories. Lorsque Sam dit : « je l'attaque », Sam, le MJ et n’importe qui peuvent facilement être en désaccord sur le fait que Sebastian est réellement en mouvement ou non. Une annonce ultérieure pourrait pousser Sam à dire : « euh, en fait, je ne le suis pas », ou inversement : « mais je l'ai déjà attaqué ! » ou toute autre option entre ces deux extrêmes.

D'un autre côté, de nombreuses personnes m'assurent qu'elles préfèrent cette méthode. Je peux simplement supposer que le groupe en question a, de façon informelle, travaillé sur une norme à appliquer pour une action donnée. Je soupçonne que dans ces groupes, l'équilibre du pouvoir penche fortement en faveur du MJ.

Enfin, Zero a introduit une solution originale. Les actions annoncées sont uniquement des Intentions et sont finalisées comme Entame seulement à la fin d'une  « discussion libre ». L'ordre des actions est établit simultanément avec la résolution des actions (c'est le même jet). Les résultats des actions sont alors tous établis dans l'ordre. Les mécaniques de résolutions de groupe de Sorcerer imitent celles de Zero avec des différences mineures.

On trouve une autre solution dans Extreme Vengeance, dans lequel l'ordre est fixé mais ajustable en fonction de ressources méta-jeu.

Hero Wars va aussi dans cette direction.

Il y a de nombreux autres modèles et solutions mais dans de nombreux JdR, aucun n’est aussi  formulé et cohérent que les deux premiers. Si j'oublie votre préféré, ne prenez pas la mouche, ce message est déjà bien assez long.

Si quelqu'un souhaite donner un avis éclairé sur cette nouvelle façon de voir les choses, ou être en complet désaccord ou m’en faire des retours, je suis très intéressé. C'est vraiment un truc important et, à mon avis, plus fondamental que la typologie DAK. Les quatre catégories sont évidemment intégrées de bien des façons au débat entre conflit et résolution de tâches, et j'aimerais également travailler sur certaines de ces relations.

Bien à toi,

Ron

Post original : The 4 steps of action


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