Reprendre les mécanismes à zéro : éléments classiques de systèmes de jeu

La création d’un JdR implique des choix conscients, parfois entre plusieurs éléments que nous avons notés et qui peuvent fonctionner avec notre idée, et très souvent nous devons carrément choisir entre plusieurs composants qui nous plaisent tout autant. Pour moi, ce sont les Caracs’ à la D&D et des listes ouvertes de Compétences à la manière de FATE grog.

Souvent, chacun de ces éléments et techniques est présent dans une façon de jouer précise, qu’il encourage. Évidemment, il nous est possible d’introduire des variantes afin d’obtenir des degrés et des styles différents dans notre JdR ; par exemple, au lieu d’utiliser des Caractéristiques chiffrées, nous pouvons utiliser des mots ou des dès pour les quantifier (1).

Dans cet article sont rassemblées quelques-uns de ces mécanismes, techniques, et tendances classiques de chaque type de système, dans leur forme la plus simple, pour que l’on puisse se faire une idée générale de ce qu’offre chacun de ces genres, et dans quelle direction chacun de ces éléments peut mener.

Ce genre de classification est difficile, ambigü et inexact, car les mécanismes ainsi que les tendances se chevauchent et superposent, à tel point je crois qu’une précision est nécessaire: pour simplifier cette liste, et nous basant sur la tendance où chacun de ces points est le plus présent, nous utiliseront trois catégories correspondant aux types de systèmes (Ludiste, Narrativiste et Simulationniste ptgptb) et quatre catégories correspondant aux types de joueurs et d’expériences de jeu du modèle RISS es (2015)

NdT : ce dernier modèle, que nous traduirons par SIMB est issu du LNS, et parait plus orienté "moyens d'obtention" :
  • Scénariste (Rails) correspond à Dramativisme, une ancienne classification orientée "création d'histoires", mais des deux côtés de l'écran.
  • Impro (Impro) correspond à un Narrativisme qui insisterait sur les dilemmes qui surgissent
  • Minimaxeur (Spike) ~ Ludisme, axé sur l'exploitation des règles pour obtenir p.ex. le plus rapidement possible une épée +3 et la recherche de la combinaison la plus efficace, cf Création de JdR style Tour d'ivoire ptgptb
  • Bac à Sable (Sandbox) ~ Simulationisme, avec l'accent mis sur la liberté d'action.

Comme vous pouvez le deviner, les différentes combinaisons et approches des aspects mentionnés peuvent avoir des objectifs très différents, ou n’obéissent pas à un seul modèle ; c’est précisément là que se trouve l’utilité de connaitre tous ces systèmes variés: pouvoir "catalyser" ces pièces différentes sous des formes diverses, et selon des combinaisons différentes.

Éléments par système de jeu

NdT : cette classification des types de préférences de jeu suit le LNS, une modélisation issue des discussion sur le forum The Forge, et synthétisé par Ron Edwards dans le chapitre 2 du Big Model ptgptb.

Ludiste

Amélioration des personnages : l’amélioration de notre perso, et l’augmentation du nombre des mécanismes disponibles [pour le faire] sont en fait les éléments quasiment essentiels de tout JdR ludiste.

Gestion de Ressources : la perte, le gain, l’investissement et la gestion de différents types de ressources est un des mécanismes de base des JdR ludistes : des PV aux tours eux-mêmes, en passant par l’investissement de Points d’eXpérience lors des progressions.

Défi : tous les JdR principalement ludistes ont besoin d’un défi, une opposition devant être surmontée au moyen du hasard et de l’habileté des joueurs.euses et de leurs personnages.

Classe de personnage : Chaque Personnage-Joueur du groupe remplit une fonction concrète, ce qui fait que chacun possède un objectif, une mission ainsi qu’un rôle à remplir face aux défis, en utilisant les caractéristiques uniques de sa classe de perso.

Narrativiste

Relations entre personnages : ces JdR fournissent à la fois un univers de jeu et un mécanisme de génération de fiction et d'historique.

Historiques : pour favoriser une tendance narrative, il est très utile que les personnages et les lieux possèdent un historique d’où on peut tirer les motivations des PJ ; leurs convictions ; des situations ; des esquisses d’intrigues, etc.

Secrets à découvrir : mettre en place et révéler des secrets fait partie intégrante de tout récit, que ce soit un roman ou la conclusion d’un conte dont la fin serait - sans cela - prévisible. Ce type de mécanismes et de techniques va de pair avec les relations entre personnages et leurs historiques.

Histoires intéressantes : des histoires possédant une intrigue et qui poussent à en savoir plus ; ce qui a plus d’importance que les objectifs et défis classiques du genre Ludiste/Dirigiste, bien que ces deux aspects puissent se chevaucher.

Simulationniste

Restrictions à la création : basées sur la réalité établie de l’univers de jeu.

Impartialité : en règle générale, ce qui prétend simuler une réalité prend rarement le parti des personnages sans une raison très claire. De la même manière, évidemment, la simulation d’un univers de jeu doit répondre de manière impartiale aux choix de chaque personnage, pour le meilleur ou pour le pire.

Simulation de contexte : l’environnement, l’état des personnages ou objets, etc. Le contexte correspondant le mieux aux thématiques du jeu doit prendre une place importante (usure, climat, types de blessures, ...).

Eléments par type de MJ/Joueuse/Expérience :

Minimaxeur (Spike)

Règles simples : pas simplistes, simples. Faciles à comprendre afin de permettre à ce genre de joueuses de se concentrer et de voir clairement comment interagir avec celles-ci. Ce genre de mécanisme exige une période de test intense pour s’assurer qu’aucune combinaison de règles ne « brise » le jeu.

Flexibilité mécanique : lié au point précédent. Si les mêmes mécanismes peuvent être utilisées dans des situations différentes, les combinaisons et interactions se décuplent.

Options tactiques : pour que les règles soient flexibles elles doivent permettre des approches différentes : « Tu préfères faire plus de dégâts en une fois, ou avec une plus grande régularité ? ». De plus, si les règles sont simples, le joueur ou la joueuse les comprennent beaucoup plus facilement, et elles lui permettent de faire ses choix en toute connaissance de cause.

Restrictions : elles ont le même effet que les options tactiques mais à un degré supérieur, en nous concentrant, non seulement sur l’amélioration du PJ, mais aussi sur les choix actifs pendant la partie.

Impro(visateur)

NdT : type de rôliste intéressé par la fiction créée par le jeu, aimant tout particulièrement l’improvisation, les choix [moraux] faits par les PJ et les conséquences de ceux-ci. Impro est très lié au style de jeux Narrativistes.

Jouer pour découvrir ce qui va se passer : le pilier fondamental de l’improvisation, c’est de continuer à jouer sans objectif ou attente particulière. Ça consiste essentiellement en une intrigue créée par tous les participants, construite par l’improvisation du groupe.

Coût narratif : pour que l’improvisation fonctionne, les décisions des personnages doivent avoir un coût au sein du récit, qu’il soit établi en cours de partie par l’improvisation elle-même, ou établi à l’avance (Mort d’un personnage, fin de relation, etc.)

Construire à partir de questions et de réponses : la meilleure façon d’improviser et d’obtenir des esquisses d’intrigues et du conflit passe par des questions-réponses entre le MJ et les joueurs (2).

Jet de dés ouverts : en improvisation il n’est pas nécessaire de cacher quoi que ce soit, parce que l’on improvise, on ne doit donc pas ou n’a pas besoin de cacher les jets de dès es, bien qu’on puisse le faire pour des raisons autres que la règle (par exemple, pour qu’une joueuse ne possède pas d’informations certaines pour éviter le méta-jeu).

Scénariste (Rails)

NdT : type de rôliste cherchant à créer une histoire cohérente en prenant potentiellement une posture d’Auteur, sans pour autant tomber dans le dirigisme (Railroad).

Ajustements mécaniques : le fait que la majorité du groupe soit au même niveau ou que les défis qu’ils doivent surmonter soient équilibrés (c’est-à-dire, en fonction du type de défi, s’il est possible ou non de les surmonter, sans tenir compte des chances de victoire possible) est un élément très utilisé pour pousser, défier et motiver des groupes de personnages.

Faux choix : qu’il s’agisse d’illusionnisme (3) ou de dirigisme absolu, les faux choix ont un double effet sur les joueurs : d’un côté, cela crée une fausse sensation de liberté et de l’autre, cela mène toujours les participants aux conséquences préétablies.

Statistiques cachées : au cas où nous devrions modifier un jet de dés quelconque pour favoriser les rails, en plus d’augmenter l’effet des défis.

Jet de dés cachés : en lien avec le point précédent, si on montre tous les jets, on donne un aperçu des caractéristiques des ennemis du groupe, qui doivent en principe rester cachées. Au contraire, en les cachant, on garde la possibilité d’annoncer un résultat différent pour augmenter la sensation de défi, le dirigisme et la fausse liberté.

Bac-à-sable

NdT : type de joueur.euse intéréssé.e par la vraisemblance de l’univers de jeu, et voulant que tout se déroule “comme dans la réalité” y compris pour ce qui est de la liberté d’action. Bac à sable est très lié au type de jeu Simulationniste.

Tables aléatoires : que ce soit pour les événements, les objets, les PNJ, etc, pour couvrir toutes les éventualités imprévues. Comme on ne peut pas tout couvrir, l’idéal est que les tables correspondent au thème du jeu (combat, intrigue, rencontres aléatoires, etc.), puisque c’est ce qui arrivera le plus souvent pendant la partie. Elles servent aussi d’inspiration.

Outils de création : ils permettent d’improviser et de créer en cours de jeu tous les éléments de la thématique souhaitée. Idéalement, ce genre de mécanismes devrait être le plus souple possible.

Esquisses d’aventures : elles offrent un point de départ et une inspiration, en plus d’établir un thème à partir duquel on commence une session de jeu de type bac-à-sable.  

Quantification  : La quantification est une partie vitale des bac-à-sable : les distances, les laps de temps, la quantité d’or que gagne un habitant moyen, combien coûte chaque chose pour savoir ce qu’on peut se permettre, sa valeur, etc... Tout ça a une importance. On n’est pas tenu à une précision absolue, mais l’idéal est d’avoir, au moins, un barême général.

Cartes et plans : il est vital que les joueur.ses puissent voir les options à leur disposition pour décider où se diriger.

L’aléatoire : puisqu’elles font partie intégrante de l’exploration, les opportunités et le hasard jouent un rôle très important dans l’aspect découverte d’un environnement. J’y inclus aussi l’opportunité, par exemple toutes les scènes où les PJ auraient pu être présents, mais ont choisi de ne pas l’être, ainsi que toutes celles dans lesquelles ils ont décidé d’être présents. 

Pour conclure :

Comme certains d’entre vous auront pu le deviner en lisant ces aspects, nombre d’entre eux peuvent donner des choses très différentes en fonction de l’approche choisie. Par exemple la gestion de ressources peut être autant Minimaxeur que Ludiste, et même toucher un de ses aspects et avoir autant de conséquences importantes au niveau narratif que n’importe quelle mécanique d’Aléatoire ou de Karma es (4). De même, l’aléatoire peut aussi être inclus comme une mécanique principalement Ludiste, même si ce type de jeu n’a pas nécessairement besoin d’aléatoire pour être complétement fonctionnel.

Cet article doit être vraiment nuancé, ne serait-ce que parce que les différents aspects possibles d’un mécanisme sont impossibles à saisir dans leur totalité, à moins de parler de JdR et de systèmes précis. C’est pourquoi j’espère que ces petites notes simples vous serviront de guide et d’orientation pour naviguer entre quelques-unes des options qui s’offrent à nous lors de la création d’un système ou d’un JdR, et avant tout entre les décisions qui doivent être prises quand on se concentre sur un aspect en particulier. 

Article original : Mecánicas desde cero : Elementos clásicos de sistemas

Mention légale spécifique : contrairement à ce qui est écrit ci-dessous en petits caractères, ce texte-ci est sous licence Creative Commons 4.0 BY NC SA, sauf les images et peut donc être copié et modifié, sans usage commercial, en mentionnant l’auteur JR Domínguez et ptgptb.fr pour la traduction, et les nouvelles versions doivent être placés sous la même licence.


(1) NdT : Il est bien entendu possible aussi de changer de style de jeu en changeant des règles fondamentales; p.ex. si les PJ de D&D3 ont moins de points de vie, le style de jeu passe de "grosbillisme" à "réaliste dur"; cf Rester mortels ptgptb [Retour]

(2) NdT : Comme dans l'exemple de partie Jeu d'histoires ptgptb [Retour]

(3) NdT : Type de jeu dans lequel le/la MJ contrôle tous les aspects de l’histoire, et ne donne au joueur.euses qu’une liberté d’action illusoire. Pour plus de précisions, voir le chapitre 5 du Big Model d'où provient le concept ptgptb. [Retour]

(4) NdT : L’aléatoire et le Karma sont, avec la Dramaturgie, les trois types de résolution d’événements dans le chapitre 4 du Big Model ptgptb. [Retour]

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