Jouer en distanciel m’a transformé

... : adieu les figurines !

Jouer au JdR sur table… en ligne pendant la pandémie m’a transformé. Un des changements les plus extrêmes, c’est ce nouvel état d’esprit : je ne pense pas revenir aux figurines quand on reprendra le jeu en présentiel. Enfin, en tout cas, je ne vais pas complètement retourner aux [mises en scène des] aventures extravagantes et exagérées que j’ai pu faire autrefois.

Tout au long de cette #$&#%$*… cette épreuve qu’a été 2020, j’ai dû apporter pas mal de changements à mes paradigmes ludiques. Ne pouvant plus nous voir physiquement, nous avons dû passer en distanciel. Et en distanciel, ma vaste collection de figurines et de décors censée créer des moments et des effets « WAOUH » n’était plus vraiment nécessaire.

Chez moi, j’ai dû changer de place beaucoup d’affaires afin de pouvoir télétravailler pour mon emploi gagne-pain. J’ai dû travailler à distance sur mes projets ludiques persos, j’ai dû trouver de nouveaux espaces où exister pour ne pas devenir fou dans le purgatoire éternel qu’était mon salon.

Et pour ça, j’ai dû stocker mes affaires autre part ou les comprimer dans de nouveaux espaces.

Tandis que ces changements submergeaient ma vie, j’ai commencé à comprendre que ces petits morceaux de plastique figuratif dont je me suis servi pour jouer ces dernières annéesdernière décenniedernières décennies… enfin disons juste que ça fait un moment, que j’ai amassé pas mal de machins et que j’ai découvert que les avancées technologiques vont mettre fin au besoin d’utiliser ces objets physiques pour mettre en valeur des espaces de jeu immersifs.

Obligation de m’éloigner du matos physique

Bien avant 2020 et sa pandémie, je me servais d’un logiciel de cartographie numérique, avec une télé encastrée dans un cadre en bois. Cette carte numérique portable m’accordait beaucoup de flexibilité pour créer des décors et du terrain sans avoir besoin d’une carte qui colle parfaitement, ou d’un dessin (imparfaitement) griffonné pour chaque situation.

J’étais devenu accro aux forums Reddit de cartographie et de cartes tactiques [battlemap : des plans à petite échelle pour les scènes de combats tactiques avec figurines en JdR (NdT)] et j’avais une grosse collection de cartes que j’utilisais via une table de jeu virtuelle locale ou un logiciel de carte animée. Avec ma poignée… ma surabondance de figurines (surtout non-peintes), ma mise en scène était solide.

Comme toutes mes parties se sont retrouvées entièrement en ligne, j’ai été obligé de tout reconstruire en numérique. Packs de pions, personnages générés avec Hero Forge [un site de création de personnages en 3D qui permet de créer des avatars ou des figurines imprimées (NdT)] ou d’autres plateformes en ligne d’avatars, davantage de cartes numériques, des images rajoutées à la va-vite en cours de jeu… Dans l’arène du virtuel, mes parties étaient encore plus colorées et visuelles que jamais, et les outils et créations numériques ont rendu leur préparation encore plus facile.

Passer ma collection au filtre Marie Kondo

NdT : Marie Kondo wiki est une coach  qui enseigne une méthode de rangement  qui implique de trier les objets, de se débarrasser du superflu et de jeter les objets qui ne donnent pas de la joie.

"Table de tri", couverte de figurines en plastique

Après environ 6 mois et alors que je n’en voyais pas la fin, j’ai eu une révélation : un point de non-retour avait été franchi, je n’allais probablement plus jamais jouer en présentiel de la même façon. Les outils numériques étaient trop bons et la variété d’options qui m’étaient disponibles ne pourrait jamais être reproduite par ma collection physique. Il était temps d’aller de l’avant et de démarrer une purge de ma collection de figurines et de décors. Qu’est-ce qui serait purgé ? Qu’est-ce que je garderais ? Comment organiser tout ça ?

Les figurines

J’ai décidé de répartir mes figurines en catégories à partir desquelles je pourrais plus facilement prendre des décisions globales.

  • Non peintes : j’en avais des taaaas en et la plupart ne seraient jamais peintes tant que je n’en aurais pas besoin.
  • Peintes et uniques : j’ai mis de côté toutes les figurines peintes, pré-peintes et plutôt uniques qui avaient une capacité à étonner. Celles-là pourraient avoir une utilité lors de mon retour au JdR en présentiel.
  • Nostalgiques : certaines figurines et décors étaient simplement liées à de grands souvenirs, et je ne voulais pas m’en débarrasser.
  • Grandes : j’utilise quelques pièces maitresses vraiment énormes dans ma gamme. Mes figurines de tarrasques wiki, bien sûr [John Arcadian a écrit le supplément The Book of the Tarrasque, sur ce monstre de D&D (NdT)], quelques tanks steampunks, quelques maquettes de navires à voiles transformables en vaisseaux volants… Il y en a que j’ai gardées, d’autres que j’ai abandonnées parce qu’elles entraient dans la catégorie suivante.
  • Uniques, mais qui pouvaient être mieux représentées : des figurines et décors vraiment sympas mais que je pourrais probablement reproduire en mieux avec des outils numériques ou des moyens physiques mais moins volumineux. Des modèles réduits imprimés sur papier, des pions sur une carte numérique, un plan de navire en papier au lieu d’une maquette entière de vaisseau volant qui ne convenait pas vraiment…
  • Courantes : la multitude de figurines non peintes censées faire masse : des ennemis communs de D&D et des soldats plutôt génériques.

Une fois que j’avais ces grandes catégories, je me suis mis à trier les tas répartis sur mon plancher. Ceux qui convenaient à mes nouveaux espaces de jeu, ceux dont je ne me servirais pas souvent ou peut-être jamais. En tout je me suis débarrassé d’environ 3/4 de ma collection de figurines. Je les ai léguées à mes neveux, pour alimenter leur addiction ludique.

Une fois que mes collections ont été dégraissées en un volume beaucoup plus gérable, je me suis mis à réfléchir à l’avenir de mes parties en présentiel.

Revenir à un jeu hybride (Les moments Waouh et l’intégration des technologies numériques)

Quand j’imagine le moment où nous pourrons nous retrouver en chair et en os, je me vois utiliser une partie de ma collection physique conjointement à mes cartes et pions numériques. Si je décide que je veux des pions physiques, je me remettrai probablement à la fabrication de pions de 25 mm de diamètre en ou de figurines en papier en à partir d’images trouvées en ligne ou tirées de pions créés sur Hero Forge. Bien sûr, il me faudra certaines figurines : les PJ, les grand.es méchant.es, etc. Mais je ne sais pas si j’aurai vraiment encore besoin de posséder une grande collection physique.

Il y a plein de façons de recréer ces moments où les joueurs font « Waouh », sans autant de mise en place physique.

  • Fabriquer des décors « jetables » qui n’ont pas besoin d’être stockés. J’ai créé des trucs très marrants avec des matériaux pas chers qui rendaient bien, représentaient et remplissaient l’espace, et qui pouvaient plus facilement être démontés, stockés ou donnés. Par exemple empiler des briques de Jenga pour faire une tour ronde, construire la carte d’une cité arboricole avec des chutes de carton, ou utiliser des cales en polystyrène pour donner un air de cyberespace zarbi à une plongée dans la Matrice.

étage de forteresse en 3D isométrique sur écran Utiliser plus de moments Waouh numériques. On peut créer des éléments qui ne remplissent peut-être pas l’espace physique mais qui épatent les joueurs et joueuses grâce à des outils gratuits en ligne ou à des artistes payés pour. Mozilla a un projet intéressant appelé Hubs qui permet de construire des espaces en 3D. Il existe des logiciels gratuits pour produire des vidéos explicatives ou des avatars qui parlent. Une vieille tablette ou téléphone peut afficher une figurine numérique animée ; on peut encastrées des télés dans des cadres ou des tables pour servir de cartes numériques.

Même si certaines de ces techniques peuvent entraîner des coûts, elles ont généralement un bon retour sur investissement. Pour le cout d’une contribution à un Kickstarter de Bones (1), une télé ou un projecteur numériques bon marché peuvent vous donner pas mal de flexibilité avec les cartes et les pions, et aussi permettre de transformer vos parties en ligne en parties présentielles. Peut-être que passer à quelque chose comme Tabletop Simulator [Un logiciel fait pour simuler des jeux de plateau avec leurs pions et d’autres objets physiques (NdT)] en présentiel m’aiderait à créer des moments Waouh.

  • Mélanger tout ça. Il n’y a pas de raison que les figurines des PJ, des grands Méchants et des gros monstres vraiment chouettes soient les seules à avoir de la « profondeur » sur le plateau. Une astuce très intéressante (qui marche parfois), c’est de placer des billes plates en verre transparent et incolore sur sa carte numérique. Elles réfractent l’image par en-dessous (si la luminosité est correcte sur l’écran) et donnent un petit air 3D à un pion numérique. Ça permet aussi aux joueurs de repérer les objets physiques et de les voir séparément des représentations plates en 2D. On peut déplacer les billes en même temps que les pions numériques pour qu’on voie le plateau physique et en même temps les images complexes de la carte tactique en-dessous.
  • Attendre que la technologie évolue. Il y a tout le temps des améliorations technologiques et c’est de moins en moins cher. Les nouvelles capacités et nouvelles applis créent de nouvelles opportunités pour créer des moments « Waouh » sans accumuler autant de bibelots physiques. Un jour on aura peut-être des échecs en 3D, comme dans Star Wars, qui reproduiront facilement nos figurines (2).

Pas sûr de ce qui suivra

J’admets avoir le sentiment d’être dans un grand entre-deux de ma pratique ludique. On n’est pas retourné jouer en présentiel, mais on le fera un jour, et tout le matos que j’ai purgé de mes collections sera toujours utilisable à ce moment-là.

Par contre, depuis que j’ai fait migrer toutes mes parties en ligne et que je me suis découvert le gout des outils numériques, je veux conserver ce niveau d’efficacité. Ça impliquera peut-être d’acheter des tablettes premier prix pour que tou.tes mes joueurs.euses puissent se servir de fiches [de personnages] numériques autour de la table, fiches de notre table de jeu virtuelle qui sont donc à jour. Peut-être que ça demandera de dépenser mon budget « jeux » autrement.

Jouer pendant la pandémie a inversé un tas de mes paradigmes et je crois que je ne peux pas prédire qu’ils redeviendront ce qu’ils étaient, avant de se retrouver à nouveau en présentiel. Peut-être que ça me démangera toujours d’avoir une grosse pièce maitresse bien impressionnante. Peut-être que je conserverai quelques campagnes en ligne, ou à moitié en ligne/ à moitié physiques.

Ça m’intéresserait de savoir comment la pandémie a changé l’aspect physique de vos parties. Quels changements permanents pensez-vous que ça apportera à vos espaces ? Est-ce que vous allez jeter du matos et passer à plus de numérique ? Est-ce que vous attendez impatiemment le jour où on pourra jouer face à face sans danger ?

Article original : Digital Gaming Changed Me – I Don’t Think I’m Ever Going Back To Minis…


Les images suivantes sont utilisées sous licence : Dragon et magiciens – InfiniteSumLTD

(1) NdT : La marque américaine de figurines Reaper Miniatures organise certaines années des ventes de plusieurs dizaines de figurines en plastique de monstres et de héros médiévaux-fantastiques via Kickstarter. [Retour]

(2) NdT : l’auteur ignore que le JdR en immersion présentielle 3D existe depuis 2017, comme la révolution du Jeu de Rôle ptgptb nous le laissait entrevoir. [Retour]

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