Le Genre englobe la création

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Plus je découvre les jeux en ligne massivement multijoueurs (MMORPG) et les jeux vidéo en général, plus je suis frappé par la quantité de décisions majeures qui sont déterminées par le genre.

couverture du jeu vidéo City of HeroesLe plus parlant : la plupart des histoires de super-héros commencent vraiment avec leur deuxième acte. Comprenez-moi bien : il y a bien l’histoire des origines des super-pouvoirs, mais beaucoup de films les présentent sous forme de flash-back.

Le premier acte est écrit ainsi :

  • le héros vit une expérience traumatisante qui le change profondément,
  • le héros décide d’en utiliser les conséquences pour combattre le crime,
  • le deuxième acte commence.

J’aime le fait que dans City of Heroes wiki [MMORPG sorti en 2004/2005 et fermé en 2012, dans lequel on incarnait des super-héros (NdT)] le premier acte a lieu pendant la création de personnage, le jeu commençant avec le deuxième acte.

Une fois la création de personnage finie, vous êtes sur le terrain, en train de péter des tronches et de combattre le crime comme un héros à part entière ayant un historique complètement écrit. C’est dû d’une part à la façon dont le jeu est conçu, d’autre part aux conventions de genre (1). Les super-héros n’ont pas besoin de monter de niveau, car cela n’entre pas (vraiment) dans leur genre.

La fantasy, dans les jeux et la littérature, a été nourrie des préceptes des arcs narratifs wiki centrés sur le personnage et au Voyage du Héros wiki. Tout commence avec un jeune garçon dans un village qui est envoyé accomplir une quête. Ainsi, la plupart des aventures de fantasy commencent avec un vieil homme vous racontant une histoire, une scène à part montrant un grand méchant pour fournir la motivation. Même les classiques du pulp comme Conan ont eu droit à un historique développé lors de leur adaptation au cinéma.

J’en comprends l’intérêt pour les histoires : cela fournit un schéma familier. Mais les jeux ne fonctionnent pas comme cela. On a autant besoin d’un historique pour buter des mobs que pour expliquer pourquoi Pacman mange ses boules blanches :

  • Image du PacMan original de 1980Il est le mangeur de boules blanches,
  • C’est son truc,
  • Il est le meilleur,
  • Et tout ce qu’il fait, c’est manger des boules blanches en tuant des fantômes au passage,
  • Et il est à court de boules blanches [et c’est pourquoi il rentre dans le labyrinthe (NdT)].

Ce n’est pas nécessairement ennuyeux. Comparez les scènes introductives des Mass Effect 1 et 2. Dans le premier, c’est un briefing à propos d’une promotion. Dans le deuxième, oh putain le vaisseau est en feu prends un fusil et bats-toi pour ta vie.

En jeu de rôles, ces démarrages en trombe constituent un des moyens d’entrer dans l’action, donnant à chaque personnage quelque chose à gérer dès le début de la partie. Vous pouvez cependant obtenir le même effet en intégrant efficacement le premier acte dans la création de personnage, et/ou la mission dans les thématiques du jeu.

Warhammer, par exemple, vous permet de tirer aux dés le « métier que le personnage exerçait avant de devenir un dingue prêt à accepter n’importe quelle mission ». Ce tirage de carrière initiale lui apporte un passé et des caractéristiques en une règle élégante. Ce n’est bien sûr pas exactement comme juste avoir un historique par périodes (lifepath) de la vie du personnage – parce que les historiques de ce type sont souvent aléatoires et ne traitent pas d’un vrai premier acte, mais d’une biographie. Ces choses sont différentes.

Un premier acte s’achève sur « depuis, nous combattons le crime ». Et les JdR que j’apprécie le moins sont ceux où on se demande « qu’est-ce qu’on FAIT ? » - parce que les personnages n’ont pas à combattre le crime.

Personne ne demande jamais ce que fait Batman. Il patrouille.

Un des premiers jeux de rôles de super-héros, si ce n’est LE premier, Superhero 44, avait des tables de Patrouilles, des sortes de tables de rencontres aléatoires. Peut-être que Marvel Super-Heroes (l’ancienne version) avait quelque chose de similaire ? Il semble que, de nos jours, nous avons oublié cet élément dans nos JdR, de nos jours, à leur détriment. Mutants & Masterminds est un très bon système pour faire du super-héros, mais ne contient aucun mécanisme sur les patrouilles. Pourtant, ses inspirations principales sont les héros de comics. Ce n’est pas comme dans Aberrant, où on peut jouer une campagne sur le fait de devenir des chanteurs.euses à succès ou des catcheurs.euses. Il n’y a donc pas d’excuse.

Et en effet, peu de jeux de rôles ont pour objet la lutte contre le crime. Et ce n’est pas un problème. Je n’y jouerai juste pas. Je préfère les jeux comme Leverage et L’Appel de Cthulhu, où tout est tourné sur le fait de « manger des boules blanches », et où le système de résolution ne gère absolument rien d’autre. Cela ne signifie pas que cela doit être indépendant ou limité, comme juste avoir cinq gars combattant une sorcière (Mountain Witch) ou s’occupant d’un navire pirate (Poison’d rpgnet). Cela signifie simplement que j’aime certains genres avec des codes forts – les cambriolages, les mystères, les enquêtes policières. Et j’aime les jeux de rôles qui apprennent de ces codes.

Mais prenez garde de ne pas trop apprendre ! Pour revenir au sujet, ce n’est pas parce que la fantasy commence avec un premier acte dans la littérature qu’il doit en être de même dans tous les jeux de rôles. De même, il pourrait être amusant de jouer à un JdR de Star Wars ayant des mécanismes narratifs totalement différents de ceux des films, et un jeu de rôle peut le faire. C’est la vertu de certains des meilleurs JdR que de prendre un univers narratif bien cadré et de demander « que se passe-t-il si je me balade dedans comme s’il était réel ? ». Et certaines des meilleures histoires naissent du portage de vieux récits dans de nouveaux cadres, ou de l’inverse.

Le meilleur exemple est bien-sûr Blade Runner : un classique du film noir dans un univers SF. Et j’aime son titre, car il porte une identité forte. Que fait-il ? Il court sur le fil du rasoir. Bon, il tue des androïdes. Il est Buffy le Chasseur d’Androïdes, et c’est en plein dans le titre [parce que c’est dangereux, et que la frontière androïdes/humains est très fine (NdT)]. Nous n’avons pas besoin de savoir comment il est devenu chasseur d’androïdes.

Sautez le premier acte. Ce n’est pas juste une bonne idée pour les histoires, c’est vital pour les parties de JdR. Et je jouerai aux jeux vidéo de fantasy le jour où ils comprendront cela.

Article original : Genre Eats Design

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