Comment gérer les joueurs qui refusent les décisions du maître de jeu
© 2011 Johnn Four
Une Maître du Donjon (MD), lectrice de Campaign Mastery, interroge nos MJ-experts sur le problème suivant :
“Je suis à la recherche de conseils pour parvenir à gérer les joueurs qui se font un devoir de contredire les décisions du MJ. Je joue à la 2e édition de D&D avec un grand groupe comptant entre 7 et 11 joueurs âgés de 16 à 60 ans. Je rencontre des difficultés avec deux de ces joueurs, qui aiment discuter mes décisions. Il ne se passe presque pas une partie sans que l’un d’entre eux ne s’insurge contre une règle ou une autre. Or, avec un groupe d’une telle ampleur, j’ai intérêt à avancer si je ne veux pas que mes joueurs s’ennuient.
À la fin de chaque partie, je demande à mes joueurs d’écrire sur un bout de papier une chose qui leur a plu et une autre qui leur a déplu. Ce sont souvent les chicanes portant sur des points de règle qui reviennent dans cette deuxième catégorie chez les joueurs non impliqués dans l’incident. Un autre membre du groupe est aussi MD en alternance et il se plaint aussi des mêmes joueurs. Ces interruptions nuisent à la dynamique de la partie et avec un nombre aussi important de joueurs, j’ai vraiment besoin de trouver un moyen de gérer ce problème. AIDEZ-MOI S’IL VOUS PLAÎT !”
La réponse de Johnn
Salut Denise ! Et merci beaucoup de nous avoir soumis ta question. Je vais m’attacher à l’aspect “règles” de ta demande car, d’après ce que tu me dis, je ne pense pas que la taille de ton groupe de jeu ait quoi que ce soit à voir avec le problème. Les grands groupes sont certes problématiques pour un MJ, mais pas nécessairement en matière d’application des règles, donc si tu as le sentiment que la taille de ton groupe pose lui aussi problème, fais-nous-en part et nous aborderons le sujet.
Ah, les règles… Les règles telles que définies officiellement, les règles “maison” et l’interprétation des règles ainsi que leur ambiguïté sont, et ont toujours été, le sujet de longs débat dans le milieu rôliste, que ce soit sur les forums, les blogs ou les groupes de discussions. Cela fait partie intégrante de notre loisir et ce n’est pas près de disparaître (1).
Lorsque je vais mener pour un nouveau groupe, je me mets tout de suite d’accord avec les joueurs sur la gestion des règles ainsi que sur celle des décisions et des désaccords en la matière. Il est nécessaire d’établir une base commune qui permettra au groupe de savoir à quoi s’attendre et comment réagir quand un problème survient. Ainsi, les rapports conflictuels sont bien moins nombreux que si on se trouve obligé de décider à chaud de la marche à suivre.
Si cela n’a pas déjà été fait, je te recommanderais donc de prendre tout de suite le temps de discuter de la chose avec ton groupe : accordez-vous sur un cadre général définissant la façon dont les règles seront appliquées, et dont les problèmes liés seront gérés, sans montrer qui que ce soit du doigt. Lorsqu’un problème non couvert par ce commun accord se présente, définissez alors une nouvelle consigne et ajoutez-la à celles déjà existantes. L’établissement d’un “contrat” initial devrait rendre plus simple toute extension ultérieure, pour peu que tu suives toujours la même procédure [Un exemple de contrat social ici (ptgptb), et là (ptgptb) (NdT)].
Définis des règles de groupe
Commence par rédiger une ébauche de ton côté. Laisse-la reposer quelques jours puis retournes-y ; tu considèreras les choses d’un œil nouveau et pourras la modifier comme bon te semble. Malheureusement, il ne m’est jamais arrivé de coucher mes règles de groupe sur le papier auparavant. J’en ai toujours donné les grandes lignes à l’oral lors de la première séance et je n’ai par la suite jamais rencontré de problème assez important qui justifierait que je les formalise.
En ce qui te concerne, en revanche, il vaudrait mieux les écrire noir sur blanc afin de pouvoir t’y référer ultérieurement. En effet les membres de ton groupe se connaissant déjà et votre campagne étant bien entamée, vous avez déjà des habitudes, des précédents et des procédures en place. Changer ses habitudes et ses attentes demande du temps et il vous faudra un support écrit pour ne pas oublier de se conformer aux nouvelles manières de jouer. Un document écrit rend aussi le consensus plus facile lorsque la situation se présente.
Pour plus de clarté, je vais résumer mon laïus en six points. Un commun accord verbal suffit dans mon cas car j’ai l’habitude de choisir mes nouveaux joueurs scrupuleusement et si je prends en main un nouveau groupe, il n’existe aucun passif entre nous et nous pouvons aborder le déroulement du jeu en toute candeur. Les dispositions que je propose sont les suivantes :
- En tant que MJ, j’ai toujours le dernier mot, même si ça ne plaît pas à un des membres du groupe. Il en va du dynamisme de la partie.
- Je rectifierai volontiers toute décision que j’ai pu prendre si les joueurs veulent en discuter en dehors des sessions de jeu et, bien que je ne ferai pas rejouer de scènes suite à un changement dans les règles, nous tiendrons compte de ces nouveaux éléments pour la suite des événements.
- Je recueillerai l’avis des membres du groupe s’il y a désaccord sur un point de règle lors d’une partie, et j’encouragerai le débat en la matière pendant quelques minutes. Je soumettrai ensuite la question au vote du groupe et la majorité l’emportera. Tout vote controversé pourra être discuté entre les séances.
- En cas de litige, j’exercerai mon droit de veto et mon droit au dernier mot, mais toujours avec un souci d’équité envers les joueurs et leur personnage (il en va différemment pour ce qui est des PNJ adverses et des monstres car je peux influer sur la situation pour qu’elle se plie aux nouvelles règles).
- S’il faut plus de quelques minutes pour parvenir à une décision, la question sera reléguée à plus tard. Le groupe en discutera par email entre deux séances jusqu’à parvenir à une décision : suivre les règles officielles ou obéir au MJ.
- En tant que MJ, mon objectif principal est de procurer de l’amusement dans un souci constant d’équité et de cohérence. Pour cela, les joueurs doivent me faire confiance, même si je prends une décision qui ne leur plaît pas. Ma porte leur est toujours ouverte entre deux séances et je suis prêt à entendre toute remarque, même personnelle.
Tout cela semble plus formel une fois écrit que lorsque je le dis à la table de jeu, mais c’est l’idée générale. Deux autres points me viennent à l’esprit :
- Si la décision s’avère décisive (par exemple, si une réussite importante ou l’échec d’un PJ en dépend), nous conviendrons d’une pause d’une quinzaine de minutes pour permettre aux membres du groupe de vérifier les points de règles, d’exposer leur point de vue et de voter.
- Une fois qu’une décision est rendue, elle fera loi pour tout le reste de la campagne à moins que de nouveaux éléments tels qu’un exploit, un déséquilibre ou des répercussions n’émergent, ou qu’elle pose problème lors de la suite du déroulement du jeu.
Ce dernier point m’a permis d’amener les joueurs à réfléchir à long terme lors des discussions et des votes portant sur des décisions. Leur choix peut les affecter par la suite et il existe des précédents où même des décisions ne concernant qu’un PJ donné se sont répercutées sur un joueur qui introduisait ultérieurement un nouveau personnage après la mort de son premier personnage. Joueurs, soyez prévenus !
En plus de ces informations, j’insiste longuement sur l’importance du respect entre joueurs et envers le groupe, en arrivant par exemple à l’heure pour les parties, en prévenant avec un délai de quelques jours en cas d’absence (sauf impondérables), en parlant à voix basse quand ce n’est pas votre tour et en faisant des commentaires constructifs pour travailler en équipe. Je termine en disant que le MJ est toujours sensible aux pots de vin. J’ajoute ensuite que c’était une blague. Puis que non, en fait. Puis j’éclate de rire et je demande à chacun de faire un jet d’initiative pour que nous puissions enfin commencer la partie. :)
L’avis du groupe
Une fois ton brouillon prêt, distribue-le à tes joueurs pour qu’ils puissent faire des propositions ou suggérer des améliorations. Je ferais personnellement cela de visu plutôt que par email (à cause des malentendus possibles) car ainsi tu peux mieux exposer à ton groupe l’objet de ta démarche ainsi que la démarche elle-même. En face à face, tes joueurs peuvent sentir que tu n’as que de bonnes intentions et que tu veux que le groupe révèle tout son potentiel. Avec un email, en revanche, le ton peut être mal interprété et ressenti comme l’expression de ta déception, une réprimande ou une accusation.
Lis chaque point à voix haute et demande un retour dessus. Prends des notes. À ce stade, tout est critiquable. Il vaut donc mieux noter les commentaires et les idées avancées afin de pouvoir y revenir après une bonne nuit de sommeil plutôt que de prendre une décision hâtive sur le coup. Sois objective, prends tout ce qu’on te propose, clarifie les choses ou étoffe-les selon les besoins.
Si tu sens que tu vas passer sur la défensive, peut-être parce qu’un de tes joueurs ne sait que débattre et pas collaborer, ou parce qu’un autre est fatigué et est particulièrement mordant ce soir-là, repose-toi sur le groupe plutôt que de répliquer sur le même ton ou de rentrer dans une escalade émotionnelle en étant frustrée ou sur la défensive. Demande-leur ce qu’ils préfèreraient. Demande-leur comment ils gèreraient la situation en question.
“Voilà qui est fort intéressant. Johnn, à ton avis, quelle directive commune pourrait permettre de remédier correctement à ce problème ?
– Ouais, j’y ai pensé car les débats sur des points de règle faisaient perdre du temps de jeu et suscitaient des émotions négatives. Si tu n’aimes pas la règle proposée, c’est une bonne remarque, merci.
– Comment réduirais-tu la fréquence de ces débats, Johnn ?
– Espèce d’enfoiré de grosbill obsédé par les règles.”
Bon, d’accord, on oublie la dernière phrase. Ce n’est peut-être pas bon pour le moral des troupes. :)
Ramener ces problèmes dans le cadre d’une discussion de groupe te soulage. Cela te permet de ne pas te retrouver dos au mur et d’avoir de l’espace pour réfléchir objectivement à la question. Tu redeviens alors une présence juste et conciliatrice.
Une autre façon de renforcer ton rôle de conciliatrice consiste à dépersonnaliser les situations négativement chargées. Il vaut mieux présenter tout ce qui devient personnel comme quelque chose qui ne sera pas perçu comme une accusation, mais dont tout le groupe sera responsable. Cela permet d’éviter que les autres joueurs ne passent sur la défensive ou ne s’énervent. On évite ainsi toute opposition frontale et cela permet à tous de garder la tête froide.
Par exemple, si quelqu’un dit “Johnn est celui qui se plaint le plus d’injustices. Il est toujours à l’origine des discussions sur les points de règles.” Il est alors avisé de retirer “Johnn” de l’équation (ce qui est toujours une bonne idée selon mes amis) et de mettre les choses à plat pour pouvoir en discuter tous ensemble. Il vaut donc mieux dire : “Bon, je crois qu’on a tous nos mauvais moments de temps à autre et, pour y avoir succombé, je sais ô combien il est facile de s’emporter. Qu’est-ce qui vous semble injuste dans le jeu ? Faisons donc une liste pour décider dès maintenant de ce qu’on fera quand ça se présentera.”
Le déni
En règle générale, les gens ne sont pas conscients de leur propre attitude, surtout en matière de comportements subtils qui hérissent les autres, comme lorsqu’ils mâchent bruyamment. Tes deux joueurs perturbateurs n’ont peut-être pas la moindre idée de combien leur comportement handicape la dynamique du groupe, et lorsqu’une discussion (de groupe) s’engage, ils peuvent ne pas se rendre compte qu’on parle d’eux, d’autant plus si personne ne les nomme explicitement. Si jamais ils étaient explicitement cités pour une raison ou pour une autre (ce qui n’est pas souhaitable, mais un autre joueur peut le faire) et pointés du doigt, il se peut aussi qu’ils nient ce qui leur est reproché et affirment que tout le monde a tort. C’est ça, le déni.
“Tu fais toujours des histoires dès qu’un PNJ essaye de Lutter avec toi, Johnn. Tu dis toujours que les règles ne sont pas claires et que le MD doit les appliquer différemment. C’est toujours la même chose et à chaque fois ça dure 10 minutes et ça se termine toujours de la même manière. Laisse tomber, Johnn, c’est comme ça et c’est tout.”
Johnn réfute alors tout en bloc ou détourne le sujet de la conversation en commençant à se plaindre des règles, relançant la polémique pour la énième fois. Si bien qu’au final, il prouvera ainsi le bien-fondé du reproche, tout en étant inconscient de l'ironie de la situation !
Il te faut des preuves. Premier élément à charge dont tu disposes : le compte du nombre de fois où on s’est plaint des problèmes de règles dans les retours sur ta séance. Félicitations pour l’avoir fait, d'ailleurs. Pas juste pour garder trace des plaintes comme preuve, mais pour les utiliser comme outil d’amélioration constante. Hourra !
Rends ces remarques anonymes et rassemble-les dans un document distinct que tu pourras présenter si jamais tu as besoin de cartouches. Combien de plaintes y a-t-il eues à ce propos ? Combien de personnes s’en sont plaint à un moment ou à un autre ? Combien de joueurs, en moyenne, se plaignent de ce problème à chaque séance ? Sur combien de séances recenses-tu ces plaintes ? Ces chiffres pourraient les faire redescendre sur Terre.
De plus, montre au groupe ce qui t’a été dit texto à propos des problèmes de règles soulevés. Mets en forme ce que tes joueurs ont écrit. Change quelques éléments pour que personne ne puisse savoir qui a écrit quoi. La vue de 25 commentaires portant sur des points de règle alignés sur une page peut ébranler même ceux qui se voilent le plus la face. Et même si les joueurs en cause continuent à refuser en leur for intérieur l’idée d’être la racine du problème, tu disposes d’éléments objectifs dont tout le monde a maintenant connaissance. Par la suite, tout le monde devrait être plus réceptif aux attitudes négatives et, avec de la chance, plus conscient de sa propre attitude.
Modifie et redistribue
Grâce à tous ces commentaires à ta disposition, effectue les changements requis et envoie le nouvel accord à tout le monde. Tu peux utiliser un email pour le coup car la partie épineuse de la discussion est passée. Mets en évidence ce qui a changé afin que tout le monde puisse comprendre rapidement la nature des changements. Conviens ensuite une dernière fois de l’adhésion de tout le monde et exige leur signature. Si plus de modifications sont requises, réitère le processus jusqu’à ce que tout le monde soit d’accord.
Imprime cet accord et fais signer à chacun un exemplaire pour chaque joueur afin de le rendre officiel et contraignant. Garde cet accord sous la main à chaque séance pour pouvoir t’y référer.
En quelques mots
Wow. Ça donne l’impression de faire beaucoup, mais au final, ça se résume à parvenir à un consensus de groupe sur la manière de gérer les problèmes identifiés. En tant que MD, ça ne peut pas venir de toi. Le partage des responsabilités est une problématique de groupe et chacun doit jouer son rôle.
Par le passé, quand j’ai rencontré le même genre de problème épineux, j’ai pris le(s) joueur(s) en cause à part pour une discussion en tête à tête. Prendre le problème à bras le corps et s’y confronter est la seule manière de le régler.
J’ai entendu parler de groupes qui ont essayé diverses pirouettes pour éviter d’avoir à se confronter au problème, mais c’est une très mauvaise façon de gérer les choses. Ça ne fait que blesser plus de gens, détruire des amitiés, favoriser les coups bas et causer plus de stress que de faire face aux choses. Ainsi, un ami m’a récemment parlé du fait que son groupe a feint de se séparer pour se défaire d’un joueur. Quelques semaines plus tard, le groupe s’est reformé sans en informer le joueur en question. Ce n’est pas une bonne façon de faire. Ce joueur va forcément en entendre parler. Quelle va alors être sa réaction ? S’il ne sait rien de la manœuvre, il demandera à rejoindre le groupe ou il se pointera carrément et on en reviendra au point de départ. S’il a vent de cette tactique douteuse, qui sait comment il pourrait réagir ? Il vaut donc mieux avoir cette conversation ou cette confrontation difficile et prendre le taureau par les cornes.
Tactiques en jeu
Pour l'instant tout ce qui a été mis dans l’accord n’est encore que de la théorie. La prochaine étape consiste à mettre ces règles en application. Tout d’abord, assure-toi que tout le monde dispose de la dernière version de l'accord collectif. Garde ton exemplaire dans ton classeur de MJ pour pouvoir t’y référer pendant la partie. Relis-le avant chaque partie pour te le remettre en tête.
Une fois en jeu, applique l’accord. Enfile ta casquette d’arbitre. Interromps la partie ou rectifie le tir pour qu’elle colle aux termes de l’accord. Fais-le de manière neutre, renvoie l’image de quelqu’un qui ne fait qu’appliquer ce sur quoi tout le monde s’est mis d’accord. Les vieilles habitudes ont la vie dure, mais ne réprimande pas tes joueurs quand ils recommencent, car c’est dans la nature humaine de revenir aux vieux comportements jusqu’à ce que de nouveaux prennent leur place. Interromps la partie avec tact, rectifie le cours des choses et reprends la partie.
La réserve de points
Dans mon groupe, on utilise une réserve de points suite à une demande de Dave S. qui remonte à plusieurs années. Chaque joueur dispose d’un nombre de jetons de poker équivalent au nombre de joueurs présents à la séance. Chaque jeton permet d’ajouter +1 à n’importe quel jet de d20 lorsqu’il est offert à un autre joueur. Les joueurs se les donnent pour récompenser une bonne attitude sur le plan social ou ludique.
Tu pourrais instaurer le même système pour encourager les attitudes positives. Une partie devrait toujours plus être une question d’objectifs positifs à atteindre que d’attitudes négatives à éviter. La réserve de points gratifie les joueurs pour leur fair-play.
Tu pourrais aussi considérer l’attribution de points de pénalité pendant un certain temps. À chaque fois qu’un joueur ne respecte pas une règle du traité collectif, tu lui attribues un point de pénalité. Il pâtit alors d’un -1 sur un jet de ton choix. Quand tu appliques ce malus, tu reprends le point de pénalité, le joueur ayant fait amende honorable.
N’applique cette pénalité qu’à des jets mineurs dans un premier temps. L’attribution de ces points est plus une façon de rappeler les règles au joueur et au groupe qu’un réel malus. Recevoir un point de pénalité suscite généralement un petit embarras, ce qui devrait suffire à les inciter à modifier leur attitude. Voilà le réel intérêt des points de pénalité : le malus social est ressenti au moment même de son attribution. C’est la meilleure façon de changer les mauvaises habitudes.
Les points de pénalité ne fonctionnent évidemment que si tout le monde s’accorde sur l’attitude attendue et sur les règles du jeu. D’où l’intérêt de tout le travail fourni pour parvenir à un accord collectif. Tu ne peux pas attribuer des points de pénalité ou faire des remontrances qui ne s’appuient sur rien. Les joueurs doivent savoir ce qu’on attend d’eux dès le début, afin de pouvoir faire des remarques constructives et accepter de se plier à l’accord auquel le groupe est parvenu collectivement.
Les temps morts
Quand les esprits commencent à s’échauffer, demande un temps mort. Offre au(x) joueur(s) affectés un peu de temps pour se ressaisir. Demande-leur de s’éloigner de la table, de sortir et de respirer un bon coup. Il est capital qu’ils quittent la table car sinon ils pourraient se renfrogner et casser l’ambiance de jeu.
Tu peux, si tu le désires, toi aussi profiter de ce répit ou l’utiliser pour régler des choses pour lesquelles la présence du joueur concerné n’est pas nécessaire comme faire les comptes, faire des vérifications sur un personnage ou déblayer la zone de jeu pour la prochaine rencontre.
NE parle surtout PAS du joueur ou de son personnage pendant qu’il est parti rassembler ses esprits. Le commérage, c’est malsain, le joueur n’est pas là pour se défendre et si jamais il t’entendait, ça pourrait nuire à vos rapports. Si quelqu’un commence (“Johnn se comportait vraiment comme un con”), interviens immédiatement. “On se concentre, les gars. Personne ne parle d’un autre joueur lorsqu’il n’est pas à la table.”
Si ça devient tendu de ton côté, demande un temps mort pour toi-même. Non seulement un peu d’air frais et quelques inspirations profondes peuvent te faire du bien et te permettre de te remettre les idées en place, mais ça montre aussi au groupe qu’il n’y a rien d’anormal ou de personnel avec ces pauses. Tu montres l’exemple.
Dans la zone de décompression, tu peux utiliser une ruse de Sioux et mettre un panneau “N’oubliez pas qu’on est là pour s’amuser. On est entre amis. Profitez :)”.
Éjecte-les
Dans le pire des cas, demande au joueur de quitter le groupe (2). La vie est trop courte pour qu’on te gâche régulièrement ton plaisir. Avec un nombre allant de 7 à 11 joueurs, ton groupe ne devrait en général pas trop pâtir du départ d’un d'entre eux. Il peut y avoir des circonstances qui incitent à la clémence ; lorsqu’un joueur perturbateur est un membre de la famille proche ou l’époux d’un autre joueur, ou que tu ne peux simplement pas l’éjecter. Dans ce cas, le mieux c’est quelques discussions en tête à tête, et ce, jusqu’à ce que le problème soit résolu.
Sinon, selon la situation, tu peux choisir d’éjecter le joueur fautif entre deux séances ou de lui donner un avertissement. Entre 7 et 11 autres personnes, dont toi, sont impliquées et tu ne peux pas laisser 1 ou 2 joueurs gâcher le plaisir de tous.
Sélection de commentaires
Will
Je partage ta philosophie bien que la mienne soit bien plus simple : “Dis les choses une fois et une fois seulement.”
Les disputes ralentissent la partie, j’y coupe donc court. Mais je veux aussi être à l’écoute de mes joueurs. Personne n’aime être ignoré ou muselé et parfois, eh bien, ils ont raison. Étant donné qu’une dispute est définie par un va-et-vient interactif (voir CLEESE, John et al., This Is Not An Argument (youtube), BBC1, 1972), je n’entre pas dans une discussion pendant la partie. Je dis aux joueurs qu’ils peuvent défendre une autre interprétation ou une autre décision, mais ils n’auront qu’une seule chance d’exposer leur idée, après quoi je déciderai de ce qu’il en est.
Si le joueur n’est toujours pas d’accord avec la décision qui a été prise, j’en discuterai avec plaisir avec lui après la partie car je veux vraiment appliquer les règles comme il faut. Des points d’XP peuvent être mal attribués si je me suis bien planté. Mais tout joueur qui souhaite débattre pendant la partie agit de manière égoïste : ils doivent avoir confiance en la capacité du MJ à leur offrir une bonne expérience de jeu même si quelques erreurs de règle peuvent occasionnellement se produire.
Mike
[En réponse à un commentaire en faveur de laisser les joueurs interpréter les règles comme ils le veulent plutôt que de perdre du temps à tenter de trancher (NdT)]
[…]La fermeté en matière de règles n’implique pas nécessairement qu’il y ait une dispute, comme le fait remarquer Will, mais il est de la responsabilité du MJ d’entretenir le dynamisme de la partie et de s’assurer que tout le monde s’amuse. Pour tous ceux qui n’y prennent pas part, les arguties sont, au mieux gênantes, et au pire irritantes.
Ainsi, si un joueur veut discuter des règles, il ne devrait pouvoir le faire qu’une seule fois ; et comme les hommes sont faillibles, le MJ devrait toujours se montrer attentif à ces remarques. Ces deux objectifs sont contradictoires et cela signifie automatiquement que le MJ doit parvenir à un compromis entre son désir d’ouverture à la discussion et sa détermination à trancher et à faire avancer la partie. Chacun trouve son équilibre en la matière, mais s’écraser totalement n’est satisfaisant pour personne.
Rhetorical Gamer
Il y a une différence entre dire “Les MJ font des erreurs et devraient donc écouter” et “Deux joueurs contestent sans arrêt les règles lors des parties (et pas juste les décisions du MJ), interrompant ainsi l’expérience de jeu de tous”.
Pas de méprise, tous les conseils énoncés ci-dessus sont utiles et bien pensés ; je ne voudrais pas en dire du mal. C’est juste qu’une partie de la conversation a été éludée. L'auteur d'un commentaire ci-dessus n’a proposé de parler en privé aux joueurs incriminés (hors du jeu et avec politesse) que comme une option. Or, il me semble, et ce n’est que mon avis, que parler aux joueurs perturbateurs est le point de départ. Il faut affronter le problème directement avec les personnes concernées et le régler avec eux au lieu de prendre l’initiative de créer une constitution de jeu dont, apparemment, la (grande) majorité des joueurs du groupe n’a pas besoin (et dont ils ne voudront probablement pas entendre parler car sa rédaction empiètera sûrement sur leur temps de jeu, et ce, potentiellement à plusieurs reprises).
Et c’est vraiment là que se trouve le nœud de l’affaire. Jouer est censé être un amusement et une activité annexe, pas un métier. Si la plupart de tes joueurs sont capables de coexister et de respecter les règles et que deux personnes ruinent cela, demande à ces dernières de rectifier le tir et si elles ne le font pas, demande-leur d’aller voir ailleurs.
Demander à un ami de ne pas participer à une partie peut être très difficile, mais si tu as joué ton rôle, si tu t’es comporté en ami, si tu as expliqué la situation et écouté leur point de vue et si ton groupe est – comme ça semble être le cas – frustré à ce point, eh bien les deux pinailleurs font un choix néfaste pour le groupe… Il vaut donc mieux les inviter à partir.
Stephen Yeardley
“Promeus donc un joueur à la table “arbitre des règles”, un bon vieux “Avocat ès règles” (ptgptb) si tu en as un.”
Lors d’une précédente campagne au long cours (environ 10 ans), un de mes joueurs a tenu ce rôle pour moi. Il n’était pas un “Avocat ès règles” [un joueur qui exploite les règles contre le MJ (NdT)] à proprement parler, loin de là même, mais il avait une très bonne capacité à emmagasiner les règles dans sa mémoire éléphantesque.
J’admets sans honte ne pas en être capable et ne pas le souhaiter non plus, en vérité. Je considère mes parties comme autant d’histoires dont mes joueurs font partie, et j’aimerais qu’ils jouent/fonctionnent de cette manière aussi. Notez que ce puits de sagesse a joué le rôle de tampon entre mon incapacité patente à me souvenir des règles (combien de fois ai-je dû vérifier comment le dépassement de la résistance aux sorts fonctionne ?) et les questions des autres joueurs.
Il y a eu des désaccords, mais jamais de querelles. Nous avons défini un ensemble formidable de règles “maison” qui nous convenaient tous, car elles permettaient de faire avancer l’intrigue sans se trouver esclaves du système et en adaptant ainsi le système à nos besoins, les règles “maison” satisfaisaient aussi mon désir d’autoriser çà et là quelques singularités et autres exceptions, de celles qu’on voit dans tous les films d’aventure ou d’action, où vous savez que le héros/l’héroïne ne peut pas mourir.
J’utilise aussi un sablier à œufs de 3 minutes pour cadrer l’argumentaire de mes joueurs. Plus récemment, bien que je ne puisse voir aucune autre qualité intrinsèque à cette émission, j’ai utilisé le principe du X du type de La France a un incroyable talent [Les juges peuvent allumer un X au-dessus de leur tête pour se débarrasser des pires participants (NdT)]. J’ai donné un X rouge au format A5 à chacun de mes joueurs. Ils pouvaient le lever pour signaler qu’ils en avaient assez d’une discussion. Lorsque plus de la moitié des joueurs avaient levé leur “X”, la discussion devait s’arrêter. J’avais toujours le dernier mot s’il y avait besoin, mais généralement les joueurs se régulaient entre eux. C’est devenu un très bon exercice pour faire valoir son point de vue de manière structurée et constructive, plutôt que de se contenter de dire qu’on n’est pas d’accord. En plus, les récidivistes ne bénéficient souvent que de peu de tolérance de la part de leurs pairs.
Bref, ça a fonctionné. Le groupe était constitué de 6 joueurs. Ainsi, si l’un d’entre eux voulait exprimer son désaccord, il devait tenir compte des 5 autres. Au moment où le premier X était levé, le joueur en pleine plaidoirie savait qu’il lui fallait se montrer plus convaincant. Une fois le deuxième X levé, eh bien, la fin était proche. Et lorsque le troisième “X” apparaissait, c’était fini.
Article original : Ask The GMs: How to Deal with Players Who Disagree with Game Calls
(1) NdT : C’est aussi ce que se dit Ben Lehman qui, dans son Introduction à la théorie de The Forge (ptgptb), explique que les rôlistes ignorent les règles des JdR parce qu’elles sont tout simplement mauvaises. [Retour]
(2) NdT : Quand les rôlistes tournent mal : gérer les joueurs à problèmes (ptgptb) développe justement la manière de régler ce problème. [Retour]
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Commentaires
Anonyme (non vérifié)
lun, 16/02/2015 - 15:26
Permalien
A terme, il faudra trancher...
Ce type de joueurs, c'est commun, y'a toujours un/des gens qui se croient exclus des obligations induites par la vie en société.
Plus jeune, je subissais, déployais une énergie incroyable pour traiter le problème façon soft. Moralité, on vous croit mou, et on vous marche dessus de plus belle.
Aujourd'hui, je sors ce genre de joueurs de ma table/campagne, définitivement et très rapidement.
Mon postulat c'est que le MJ est un des joueurs; c'est pas le garde-chiourme qui doit subir avec le sourire les délires de tous les autres à la table.
Si vous avez l’impression de faire trop d'efforts pour tenir votre table, changez-en; ils ne respectent pas votre droit au plaisir ludique.
C'est affreusement réac, mais ça marche mieux qu'une discussion (j'ai un pote qui est super agréable depuis qu'il a raté 12 séances d'une campagne pour m'avoir vraiment poussé dans mes retranchements).
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