Fausses pistes – Vraies frustrations

En tant que MJ, l’un des trucs que je trouve le plus déconcertant, c’est la réaction négative de certains joueurs envers les fausses pistes (ou quoi que ce soit qui distrait le groupe de l’aventure). Je trouve ces dernières très utiles et appropriées pour le type de parties que j’ai tendance à mener (généralement des intrigues, des enquêtes ou de manière plus générale des résolutions de mystère). C’est une façon d’enrichir l’aventure au-delà du simple passage du point A au point B puis au point C en suivant les rails de la logique. Bien que je m’attende à ce que les joueurs soient frustrés quand ils s’aperçoivent qu’ils sont sur une fausse piste, je ne m’attends pas non plus à ce qu’ils me demandent de ne plus en mettre : ça ne me semblerait pas naturel.

Je peux seulement supposer que les joueurs détestent vraiment perdre du temps, ou le sentiment que la MJ essaye juste de jouer la montre en leur balançant des rencontres aléatoires car elle n’est pas encore prête à passer à la prochaine intrigue. Parfois c’est effectivement prévu dans la partie (les quêtes secondaires étant un bon exemple) car le groupe n’est pas encore prêt à affronter la prochaine intrigue tant qu’ils n’ont pas un peu plus de bouteille. Et parfois, c’est juste une confusion de la part des joueurs (ayant oublié un détail du scénario entre deux sessions ou étant passés trop rapidement sur un élément que leurs personnages auraient remarqué) qui amène à beaucoup de temps perdu alors qu’ils foncent bille en tête dans la mauvaise direction.

Au fil des années, j’en suis venu à établir quelques règles pour utiliser les fausses pistes et j’ai pensé qu’il serait utile que je les partage :

1. Mettez le personnage au défi, pas le joueur : en dépit des apparences, une aventure d’enquête n’est pas un affrontement d’esprit entre une MJ et ses joueurs ; c’est une confrontation entre l’aventure et les personnages. Si un joueur semble manquer quelque chose que son personnage aurait remarqué, soufflez-lui l’indice. N’ayez pas peur de corriger un joueur ptgptb s’il a manifestement compris de travers l’information que vous venez de lui donner.

2. Récapitulez les points essentiels : si la session commence au milieu d’une aventure, je fournis toujours un récapitulatif de l’intrigue et je rappelle aux joueurs les indices qu’ils ont découvert jusque là ainsi que les pistes qu’ils ont d’ores et déjà explorées. C’est aussi le bon moment pour vérifier que le point 1 ci-dessus n’a pas été manqué.

3. Les fausses pistes devraient être courtes : dans les enquêtes à la télé, une fausse piste dure rarement plus d’une scène. Les enquêteurs interrogent un suspect possible pour s’apercevoir immédiatement qu’il lui manque le moyen, le mobile ou qu’il a un alibi. De la même manière, je ne laisse pas mes joueurs suivre une fausse piste très longtemps. Perdre 10 ou 15 minutes de la séance sur une fausse piste est bien mieux que d’y passer toute la soirée. (Bon sang, j’ai vu des parties ou les fausses pistes prenaient plusieurs séances !)

4. Les fausses pistes devraient faire apprendre quelque chose : je suis sûr que l’une des raisons pour lesquelles les joueurs n’aiment pas les fausses pistes, c’est qu’ils se sentent idiots de les avoir suivis, tout particulièrement s’ils n’y ont rien gagné. J’essaye de toujours leur donner quelque chose d’utile : disculper une certaine catégorie de suspects ou fournir un indice supplémentaire qui leur permettra de concentrer leurs recherches. Les quêtes annexes rentrent aussi dans cette catégorie, elles donnent aux PJ l’expérience et le soutien qui leur permettra de faire face à ce qui vient par la suite.

5. Avouez vos erreurs : Parfois, les joueurs se retrouvent dans une fausse piste car j’ai loupé quelque chose : j’ai oublié de leur donner un indice ou bien j’ai modifié l’aventure en cours de route. Dans ces cas, j’ai appris que le mieux est de confesser l’erreur et de chercher à faire avancer l’intrigue avec les joueurs plutôt que de la cacher pour chercher à la corriger derrière l’écran pendant que les PJ tournent en rond. [Même s’il y a d’autres solutions ptgptb avant d’en arriver là ! (NdT)]

Et vous ? Est-ce que vous appréciez les fausses pistes ou bien les fuyez-vous comme la peste ? Comment les incorporez vous dans vos aventures ? Fonctionnent-elles correctement ? Avez-vous déjà vu une fausse piste se prolonger trop longtemps ?

Sélection de commentaires

Michael

Les fausses pistes sont, selon moi, l’une des manières les plus ennuyeuses d’étoffer une enquête. Une bien meilleure approche est de construire l’aventure de telle sorte que plusieurs chemins soient possibles pour progresser, sans qu’aucun ne soit une fausse piste. Une bonne lecture est la règle des trois indices ptgptb de Jason Alexander et aussi la construction de scénarios en nœuds ptgptb.

Je trouve aussi que le point 1, demandant de mettre au défi les personnages plutôt que les joueurs n’est pas nécessairement correct. La plus importante question d’une partie de jeu de rôle est « que font les joueurs ? », pas les personnages : les joueurs !

Si ceux qui sont défiés par l’enquête sont les personnages et non les joueurs, alors ce n’est plus vraiment une enquête, c’est une histoire à propos d’un mystère racontée aux joueurs par la MJ. Et naturellement, s’il ne s’agit que de raconter une histoire aux joueurs, ces derniers veulent juste en connaître le fin mot, découvrir qui est le meurtrier. Voilà pourquoi ils détestent les fausses pistes. Si vous voulez leur fournir un véritable défi, et pas une simple visite au musée, il faut qu’il y ait quelque chose de plus pour occuper les joueurs et vous devez vous y préparer comme il se doit. Si vous voulez que ce soit une session d’enquête, un mystère à résoudre pour les joueurs – alors vous devez aussi vous y préparer correctement. Il y a de la place pour des fausses pistes dans les deux. Elles peuvent fonctionner dans une histoire si elle est bien menée ; dans une enquête, elles rendent le mystère plus difficile à résoudre et peuvent même le rendre trop difficile comme expliqué dans la règles des trois indices.

Roxy Steve

Je n’ai jamais vraiment apprécié les fausses pistes en tant que MJ car elles font perdre trop de temps. Et le temps est une ressource précieuse.

Les fausses pistes sont, selon moi, le fléau de l’Appel de Cthulhu. Pour des raisons qui m’échappent, les concepteurs du jeu étaient de l’opinion que les fausses pistes étaient quelque chose de vraiment chic et sensationnel plutôt qu’un défaut.

Je me suis aperçu que dans mes parties de Delta Green grog, les joueurs étaient capables de créer leurs propres fausses pistes mieux que personne. Les laisser s’acharner sur une fausse piste durant quelques minutes est normal. Peut être même une demi-heure, si l’idée les amuse. Le problème est de les arrêter avant qu’ils ne soient trop investis dans une idée folle.

Les petites idées qui peuvent être intégrée dans l’histoire englobante sont généralement OK, mais je ne mène pas des parties à la Trail of Cthulhu grog dans ce style « pas d’intrigue principale avant que les joueurs ne l’aient inventée », où l’improvisation est une part prépondérante. Mes parties ont une histoire qui s’est déjà déroulée (généralement) et les joueurs doivent la découvrir pour réparer ce qui ne va pas aujourd’hui. La toile complète d’une aventure, pas des indices et une intrigue en kit.

Je m’investis beaucoup pour m’assurer que l’histoire qui s’est déjà passée est bien formée et logiquement cohérente, et pour fournir des indices pratiques et réalistes pour aider les joueurs à rester dans le jeu et leurs personnages. S’il y a un flingue, je donne un flingue (factice ou à billes). S’il y a un vieil acte notarié qui tombe en poussière, j’en fabrique un. Ils sont sur des rails, mais le scénario est de première qualité et ils peuvent embarquer dans le train avec les costumes qu’ils souhaitent.

Du coup je n’hésite pas à faire remarquer aux joueurs qu’ils ont « loupé quelque chose » ou que « cela ne sonne pas juste » pour éviter qu’ils ne s’endorment après être trop souvent sortir des rails. Ça me semble mieux que de les laisser jouer des heures avec des théories fumeuses concoctées à partir d’informations méta-jeu et de beaucoup de vent.

Ils sont complètement dans l’impasse ? L’un d’eux va rêver de façon saisissante d’un indice dont l’importance a été sous-estimée.

Je fournis aussi un grand tableau blanc pour balancer toutes les idées et rassembler toutes les notes que les joueurs ont pris durant la partie. Vous seriez surpris à quel point cette séquence « les experts » est fun pour tout le monde et permet de faire avancer rapidement même les intrigues les plus tortueuses.

Je l’ai introduit il y a quelques années, et ce fut sans doute ma meilleure idée pour sortir les joueurs de leur confusion et éliminer les fausses pistes qu’ils inventaient.

Pour moi les points 3 et 4 de l’article sonnent donc particulièrement justes.

Horst Tappert

La question n’est pas seulement s’il faut mettre des fausses pistes ou non, mais aussi de savoir comment les utiliser. Passer (beaucoup) de temps sur une fausse piste simplement pour s’apercevoir qu’elle ne mène nulle part n’est pas très drôle pour les joueurs. Retourner à la case départ après avoir investi du temps et de l’énergie est incroyablement frustrant.

Cependant, les actions effectuées par les joueurs alors qu’ils suivaient la fausse piste peuvent faire avancer l’intrigue. Par exemple :

  • Avoir enquêté sur un suspect possible peut aider à prouver qu’il est innocent

  • Le temps que les joueurs ont passé sur la fausse piste peut être utilisé par le meurtrier pour tuer sa prochaine victime, ce qui permet de renforcer le côté dramatique de la situation mais aussi de fournir de nouveaux indices.

  • Un PNJ injustement accusé peut comploter contre les PJ afin de se défendre, compliquant d’autant plus la situation (et comme on le sait tous, les complications sont le sel de toutes les histoires).

Selon mon expérience, les joueurs ne considéreront pas que leur temps a été gâché dans ces cas. Comme de nombreuses fausses pistes sont en fait créées par les joueurs et non par le MJ, il m’est parfois impossible de trouver comment me ramener aux situations ci-dessus. Dans ces cas, j’essaye de garder la fausse piste aussi courte que possible et je corrige effectivement toute erreur d’interprétation hors-jeu.

Cela dit, je ne suis pas d’accord avec l’affirmation : « il faut mettre le personnage au défi, pas le joueur ». La gratification d’un joueur provient du moment où il a l’intuition juste, le moment où il assemble enfin toutes les pièces, pas juste d’un bon jet de dé. C’est précisément la raison pour laquelle j’y vais vraiment doucement sur les indices méta-jeu.

TheIneffableCheese

Je ne suis généralement pas fan des fausses pistes en JdR, je pense que les seules exceptions où les fausses pistes planifiées sont acceptables, c’est lorsqu’elles suivent un modèle du genre « feuilleton policier » tel que décrit dans l’article. En gros, une très courte impasse qui ne dure pas plus d’une scène ou deux, et où, de préférence, les joueurs vont apprendre quelque chose d’utile (même s’il ne s’agit que de disculper définitivement quelqu’un).

Mon expérience montre que les joueurs sont excellents pour créer des fausses pistes de leur propre chef. Mais même avec ces dernières, je ne les laisse personnellement pas durer trop longtemps (peut être une scène ou deux pour voir où cela les mène), puis je clos par une narration rapide du genre « vous enquêtez sur cette piste durant quelques heures de plus pour vous apercevoir qu’elle ne mène nulle part », peut-être en récapitulant alors l’état actuel de leurs connaissances.

Il me semble que la plupart du temps, quand les enquêtes sortent des rails dans une partie, c’est à cause d’une collision entre les attentes et les interprétations. Les joueurs comprennent les paroles de la MJ d’une manière différent de celle des personnages dans la réalité de leur monde. Quand cela arrive, il est de la responsabilité du MJ de rattraper les joueurs et de s’assurer qu’ils ont effectivement bien compris ce que leurs personnages ont vécu. La MJ est la seul porte des joueurs sur le monde, si elle laisse les joueurs s’égarer à cause d’une incompréhension fondamentale de l’univers de jeu, c’est de sa faute.

Article original : Hot Button – Red Herrings

Note: 
Moyenne : 5.7 (3 votes)
Catégorie: 
Nom du site d'Origine: 
Traducteur: 
Share

Ajouter un commentaire

Mention légale importante

Nous vous encourageons à faire un lien vers cette page plutôt que de la copier ailleurs, car toute reproduction de texte qui dépasse la longueur raisonnable d’une citation (c’est-à-dire, en règle générale, un ou deux paragraphes) est strictement interdite. Si vous reproduisez une grande partie ou la totalité du texte de cette page sans l’autorisation écrite de PTGPTB (version française), et que vous diffusez ladite copie publiquement (sites Web, blogs, forums, imprimés, etc.), vous reconnaissez que vous commettez délibérément une violation des lois sur le droit d’auteur, c’est-à-dire un acte illégal passible de poursuites judiciaires.