Conan en savait plus que Howard sur la Cimmérie
© 2010 Zak Smith
présente
Notes, hypothèses et conclusions concernant le voyage dans un bac à sable
NdT : Le bac à sable (sandbox) est un décor de campagne ouvert dans lequel les personnages évoluent comme bon leur semble. Cf. Linéarité contre bac à sable ptgptb.
Par ailleurs, les intertitres ont été rajoutés dans la version française pour faciliter la lecture.
Déplacement des personnages
— Selon moi, si les PJ voyagent par moyen terrestre vers un endroit éloigné, et que je veux que quelque chose d’inattendu leur arrive en chemin, cet évènement devrait généralement être lié aux décisions des PJ sur la façon de s’y rendre (moyen de transport, itinéraire, ce qu’ils ont emporté avec eux, etc.). Sinon, ce n’est pas vraiment un bac à sable pour moi.
Par exemple, s’ils prennent la route de l’ouest et que je fais un jet sur la table de rencontres aléatoires des régions sauvages, ou s’ils prennent la route de l’est et que je fais aussi un jet sur la même table, ce n’est pas aussi amusant ou intéressant que de faire advenir les conséquences d’une décision stratégique mûrement réfléchie (1).
— On doit rappeler (du moins à ce stade), pour ce qui est de mes joueurs en particulier, que leurs personnages peuvent choisir la manière précise de se rendre où ils veulent aller.
— La façon la plus simple de faire consiste, à chaque fois que les PJ partent en voyage, à dessiner une carte rudimentaire pour leur montrer ce qu’ils savent de la région qui s’étend entre l’endroit où ils sont et l’endroit où ils vont.
— Souvent, les PJ ne savent pas grand-chose. Mais il devrait y en avoir assez d’informations sur la carte pour envisager au moins deux parcours viables et ayant en quelque sorte une nature différente. Par exemple, les trajets possibles devraient laisser présager la rencontre de défis propres à chacun d’entre eux.
— Un ranger devrait en savoir plus que les autres PJ et donc disposer de plus de points de repères sur cette carte. Ou alors il aura plus de bribes d’informations sur ce à quoi les lieux de la carte ressemblent, ou ce que la rumeur en dit. Il en va de même pour les PJ qui sont censés avoir des connaissances locales données du fait de leur historique.
Modalités d'utilisation d'une carte en bac à sable
— Après quelque temps, à chaque fois qu’on présentera aux joueurs une telle carte, ils vont immédiatement s’attendre à des ennuis quand leurs PJ iront de A vers B. Et ça pourrait changer leur décision quant à leur façon de faire.
— Afin d’éviter ceci, je devrais probablement fournir une carte à chaque fois que les PJ vont de n’importe quel point A vers n’importe quel point B. Même si, en fait, rien ne va arriver.
— En supposant que toutes ces cartes doivent proposer au moins deux itinéraires raisonnables et différents (offrant ainsi un choix), cela signifie alors qu’à chaque fois que les PJ voyagent, ils doivent passer par (au minimum) un lieu remarquable, ou un changement de terrain, ou un point de repère.
Ainsi, par exemple, une carte devrait au moins offrir le choix suivant : “Coupez-vous par le Marais des Os Innombrables ou suivez-vous juste la route ?”
— En conséquence, le monde de campagne dans son ensemble finira par être couvert par ces repères, ces “entre-deux” qui n’impliquent pas forcément un événement.
— Pour mes PJ, les bâtiments sont plus attrayants que les zones géographiques. C’est un peu comme si je disais “Vous passez près de la Tour des Deux mille chagrins sur la gauche et de la Forêt des Deux mille chagrins sur la droite”. Les PJ auront sûrement envie d’explorer la tour immédiatement ou plus tard, mais contourneront la forêt.
Appréciation réaliste des distances et des trajets
— Je postule que le déplacement moyen, en majorité à travers la taïga (de la forêt enneigée) est de 30 km par jour à cheval, 15 km à pied. De même, il est de 25 km par jour dans des marécages glacés ou la montagne enneigée et de 50 km par jour en plaine si jamais il s’arrête de neiger. Oui, je sais, l’armée napoléonienne [en fait des unités spécialisées dans le déplacement rapide (NdT)] avançait de 50 km par jour, mais cette armée n’était pas composée de voleurs avec une force de 7 et de prêtres transportant la moitié de leur poids en potions non identifiées.
— En excluant les nations insulaires, les capitales européennes sont communément espacées d’au moins 800 km. C’est une base pour se faire une idée du temps de voyage si vous vous déplacez du centre d’un empire à la capitale d’un autre. Si la distance est plus courte, il y aura certainement quelque étendue d’eau, des chaînes de montagnes, des forêts entièrement composées d’arbres carnivores ou tout autre obstacle géographique majeur.
— Cela signifie que se rendre d’une grande ville à une autre grande ville vraiment différente, prend un sacré putain de temps (en jours dans le jeu) ou oblige à traverser au moins un obstacle géographique réputé dangereux ou gênant.
— La distance entre Gand et Anvers est de 60 km, d’environ 190 km entre Londres et Birmingham et de 225 km entre Rome et Naples. Donc, se rendre d’une grande ville à la grande ville d’à côté où l’on parle une langue “commune” devrait prendre entre 2 et 5 jours (2) si je m’en tiens à mon taux de mouvement “alles ist fünesto-fröstig-forest” [alles-ist-frozendoomforest : partout de la forêt lugubre et glacée, avec votre pire accent allemand ! (NdT)] de 30 km par jour.
— La répartition des châteaux est bien sûr plus dense que celle des villes. Selon ce que vous appelez “château” et la référence que vous consultez, un pays très fortifié comme l’Angleterre, avait une densité médiévale d’à peu près un château tous les 10 à 15 km. Soit la possibilité d’en croiser deux par jour si on se déplace à cheval.
— Les PJ devraient sentir qu’entreprendre un long voyage est une décision plus importante que pour une courte distance. La méthode peut être directe “C’est qu’c'est long et dangereux d’aller à Argenvoth !” ou indirecte, mais au bout d’un moment, les filles [les joueuses de Zak (NdT)] devraient commencer à piger. Vous exposerez clairement la quantité de provisions que le périple va demander, mais aussi la fréquence et le nombre de rencontres entre les lieux (prévues ou aléatoires) qui devraient faire comprendre qu’ils sont proportionnels à la distance.
Connnaissances du personnage et connaissances du joueur
— Le mystère est bel est bon. Mais plus les joueurs ont d’informations sur le monde de jeu, plus ils évoluent dans un bac à sable (3). Si le territoire est parfaitement terra incognita, ils n’ont aucune base sur laquelle prendre une décision de se rendre ici plutôt que là. Ça ressemble à une lapalissade, mais les idées selon lesquelles, d'une part l’univers est défini au fur et à mesure que les personnages l’explorent et d'autre part les joueurs ont besoin d’informations pour prendre des décisions raisonnées quant au chemin à emprunter, ces idées sont en fait opposées. Il doit y avoir un mélange ou un compromis. Si je n’inclus de nouveaux lieux que lorsque les PJ les explorent, alors ils n’ont aucune base pour décider où aller. Si j’ai défini l’ensemble du monde à l’avance, il est possible que je fasse beaucoup de travail [pour détailler] des lieux qui ne seront jamais utilisés, alors que je pourrais ajouter de la profondeur à des endroits (géographiques ou autres) qui intéressent vraiment les PJ. Il doit donc y avoir un mélange.
— Ainsi, la méthode “pulp”, selon laquelle auteur et lecteur découvrent la cohérence interne d’un monde par le biais de nouvelles, s’oppose à la méthode dite “libre, bac à sable ouvert” qui veut que les personnages des aventures “pulp” prennent des décisions. Cela suggère alors que les PJ ont assez d’informations pour décider où ils veulent aller. Ces deux méthodes sont conciliables mais demandent un équilibrage.
— Ou, pour le dire autrement, Conan en savait plus sur la Cimmérie que Howard. Howard savait tout ce qu’il avait besoin de savoir pour écrire une histoire où Conan se réveille dans les geôles de la ville de Magefous. Mais Conan en savait assez sur les faits, les rumeurs, les légendes et les connaissances générales pour avoir décidé de se rendre d’abord à Magesfous et non à Sécurennuium. Pour que les joueurs de D&D puissent prendre des décisions à la Conan, je dois leur fournir plus d’informations sur des endroits où leurs PJ n’iront peut-être jamais que ce je que je leur donne d’habitude.
— Howard était comme une équipe de télé-réalité se focalisant sur Conan lorsque sa vie devenait intéressante. De base, Conan aurait dû en savoir bien plus [sur son monde] pour être en mesure de se trouver impliqué dans cette situation intéressante.
— (D’autres personnes y parviennent en s’appuyant sur des univers publiés – ou encore sur l’Europe médiévale authentique. Je ne fais pas comme ça.)
— Le choix devrait être plus détaillé et plus intéressant que “Suis la seule accroche scénaristique qu’on te tend, ou rejette-la et cherche des gens riches à voler en attendant que le MJ improvise là-dessus”.
Impliquer les joueurs pour développer le bac à sable
— Au sujet de mon groupe, trois choses à savoir :
- Après une semaine, de nombreux joueurs vont oublier toutes les accroches scénaristiques ou informations s’ils ne les ont pas immédiatement utilisées.
- Quelques joueurs ne vont pas oublier ces informations intéressantes, mais seront absents à la prochaine partie, et leur capacité à agir en connaissance sera ainsi limitée.
- Ce n’est pas grave.
— Dans un bac à sable, Liberté = Information
— Pour obtenir des infos et s’en souvenir, soit les joueurs doivent être à fond dedans, soit on doit constamment leur rappeler ces infos.
— En général, les joueurs ne sont pas à fond dedans. Pas dans la collecte d’informations du moins. À part Mandy [Moore, compagne de Zak (NdT)].
— Il faut trouver [un moyen, une règle,] un mécanisme, pour constamment rappeler aux joueurs les informations dont ils disposent, si on veut vraiment jouer des parties en mode bac à sable.
— Un wiki, des courriels groupés ou un dossier partagé ne serviraient à rien avec ce groupe de joueurs.
— Le moyen le plus simple est probablement une belle grosse carte sur le mur mentionnant la plupart des informations générales acquises jusque-là sur l’univers de campagne.
— Si c’est vraiment parti pour être un bac à sable, il faut intégrer à cette carte les contributions des joueurs : par exemple d’où viennent donc ces elfes des bois, parents d’un PJ.
— Pour qu’il y ait liberté, il faut constamment rappeler aux gens qu’ils ont cette liberté.
Sélection de commentaires
Jeff Rients
Pour ma prochaine carte de campagne, j’ai décidé d’utiliser une vraie carte de wargame, afin de pouvoir l’étaler sur la table. Je préfère révéler davantage d’informations que juste celles auxquelles les PJ accéderaient facilement.
OtspIII
J’ai pas mal pensé à ça ces derniers temps. J’en suis arrivé aux mêmes conclusions mais avec quelques corrections.
J’aime vraiment les bacs à sable où les PJ ne savent pas grand-chose sur le monde dans lequel ils sont plongés. Les parties importantes du cadre s’appuient ainsi sur des expériences en jeu plutôt que sur des décors de campagne pré-écrits. Du coup, pour comprendre ce qui se passe, je n’ai pas à imposer à mes joueurs la lecture d’une mauvaise description d’univers fictif, que ce soit la mienne ou celle d’un éditeur. Par contre, ça a pour gros inconvénient de laisser, dans un premier temps, les joueurs dépourvus d’informations utiles qui leur permettraient de faire des choix significatifs.
Pour les premières séances, ça ne me dérange pas trop, puisque c’est le moment où on a plutôt tendance à explorer son personnage/le style du MJ/la dynamique de groupe/etc. que l’univers de jeu. Mais ça commence à être assez mauvais une fois qu’on cherche à poser les choses et à faire en sorte qu’elles avancent. Ma solution, c’est de bricoler un système de rumeurs (4).
En pratique, à chaque fois que les PJ passent du temps dans un endroit où des gens bavardent, je leur glisse une rumeur. S’ils cherchent quelque chose à faire, c’est une accroche scénaristique immédiate. S’ils sont occupés, je décide sur le coup que, soit c’est de l’information sur le monde de jeu, soit c’est une accroche scénaristique à long terme potentielle. Toutefois, rien de très novateur pour le moment, je pense.
Le système change un peu si le joueur fait la démarche d’apprendre quelques rumeurs. Soit ils recherchent des rumeurs de n’importe quel type, et là je fais grosso modo ce que j’ai expliqué précédemment. Soit ils peuvent préciser le type de rumeurs qu’ils recherchent, et là je leur fais faire un test quelconque pour trouver des informations sur le sujet [évidemment derrière le paravent (NdT)]. Au final, je prends ce qu’ils recherchent et plus le résultat du dé est bon et plus j’inscris cette rumeur de manière précise et utile dans l’univers de jeu.
Ainsi, si quelqu’un recherche des rumeurs sur une hache magique et s’il fait un bon jet, eh bien, il entend une rumeur sur une tombe censée contenir une certaine hache magique. Si son jet est passable, ce sera une arme magique. Si son jet est médiocre, ce sera un donjon sans rapport et si son jet est vraiment raté, il recevra des fausses informations qui le dirigeront toujours, d’une façon ou d’une autre, vers une aventure.
Je suppose que ça marche pas mal puisqu’ainsi les personnages ont leur mot à dire sur les parties du monde qui vont être approfondies. Ça construit aussi un monde sur lequel ils peuvent faire des hypothèses utiles sans pour autant être certains à 100 % de ce qui va leur tomber dessus.
Tom March
Salut Zak. Est-ce que tu as jeté un œil à Hexographer ? C’est un programme gratuit de cartographie en ligne. Tu peux le trouver ici : http ://www.hexographer.com/
Son principal problème ? Le programme ne tourne que sur Internet. Tu ne peux pas le faire marcher hors connexion si tu n’as pas acheté la version pro.
D’un autre côté, les cartes ressemblent presque exactement aux cartes Old D&D de la bonne vieille époque TSR.
Même si je ne retire rien aux produits hauts de gamme tels que Campaign Cartographer 2 (& 3 & peut-être 4 maintenant), ils ont une courbe d’apprentissage assez raide, en particulier si vous n’êtes pas familier avec les logiciels de Dessin Assisté par Ordinateur et ils sont beaucoup plus chers.
Si ça peut aider.
MercerMachine
Au risque de laisser transparaître mes affinités pour l’écriture, je voudrais vous faire part de ma philosophie lorsque je propose des choix aux personnages (que ce soit des itinéraires de voyage, des accroches scénaristiques ou même des endroits où passer la nuit).
Pour faire simple, à chaque fois que les personnages ont une décision à prendre, ils se demandent en gros “Est-ce que cette action va me procurer – ou juste me rapprocher de – ce que je veux” ?
Pour le MD, qui n’est pas en train de mener une partie complétement écrite, la réponse se trouvera dans une des 4 catégories :
Je trouve que c’est lorsque la réponse est une des deux dernières que la partie ou l’histoire est la plus intéressante et stimulante. Le MD devra sans aucun doute faire des efforts. Mais quand les joueurs s’attendent, ne serait-ce qu’à moitié, à ce que leurs décisions en jeu mènent à des dénouements intéressants, inattendus, dangereux et/ou gratifiants, alors le MD peut occasionnellement s’en sortir avec juste un Oui/Non appuyé d’un petit sourire goguenard qui laissera quand même les joueurs dans l’expectative du prochain rebondissement. À savoir :
“Alors comme ça, vous voulez descendre le Grand Canal jusqu’à Prrng, la Cité des Mages, au lieu de réserver des places auprès de la Société Chamelière Royale ? D’accooooord…”
En le jouant comme ça, on épargne au MD ainsi la charge d’avoir à garder à l’esprit mille petits aspects relativement peu importants de l’univers de campagne. De même, en se demandant ce que ce malin MD peut bien leur avoir mitonné derrière son écran, ce sont les joueurs qui créent cette tension qui rend une partie agréable.
Je ne dis pas que leurs décisions ne devraient pas importer pour ce qui est du résultat. Je pense que tu as tout à fait raison de dire qu’offrir aux joueurs le même résultat quelles que soient leurs décisions est au mieux une façon de mener très paresseuse. Ce que je dis, c’est qu’un peu de sournoiserie côté MD est une bonne chose, si c’est pour que les joueurs puissent profiter d’une partie amusante et pleine de rebondissements. Et tant mieux si ça permet d’alléger la préparation, potentiellement inutilisée ou inutile, d’un MD surchargé.
Blue Gargantua
Ne pourrait-on pas envisager de faire une liste ouverte de rumeurs/savoirs locaux/lieux à fréquenter/personnes à tuer et ensuite adapter cela à chaque personnage-joueur ? Ou de les coller sur des fiches et de les distribuer aux joueurs.
Par exemple : Vos joueurs doivent se rendre de Alphaville à Bétacité. Vous leur donnez deux choix : 1) Y aller en bateau en remontant le Rivière Tranquille ou 2) Y aller à cheval traversant la Passe des cannibales.
Vous inscrivez les éléments suivants, un par fiche :
- “Vous connaissez un type qui vous prendra à bord de sa péniche gratuitement si vous le protégez des pirates fluviaux.”
- “Il y a une récompense de 5 PO par tête de cannibale que vous rapportez de la passe.”
- “La Rivière Tranquille connaît un étiage sévère en ce moment de l’année, vous allez devoir faire du portage.”
- “La Passe des cannibales s’est récemment éboulée suite à un tremblement de terre. Les routes pourraient avoir disparu et des répliques pourraient poser problème.”
… et d’autres trucs comme ça que vous passez ensuite aux joueurs. Maintenant, chaque joueur connaît une information différente sur les possibilités qui s’offrent à eux et ils peuvent débattre à propos du chemin à emprunter. Vous pouvez alors développer des rencontres basées sur ce qu’ils ont choisi et sur les indices que vous avez semés. Les joueurs peuvent conserver ces fiches et s’ils retournent à un de ces endroits, ils peuvent s’y référer de nouveau pour faire leurs choix.
korik1
Ce weekend, je vais tenter quelque chose : créer un univers avec les joueurs en utilisant Dawn of Worlds. Espérons que les joueurs s’investissent du coup davantage dans le monde et que ça leur permette de se souvenir de détails dont ils ne se souviendraient pas autrement.
Kelvingreen
Lorsque j’ai débuté ma campagne présente, j’ai été pris dans un dilemme similaire. Je leur ai donné une carte stellaire avec un certain nombre d’endroits, et pour chacun d’eux, j’ai noté deux ou trois éléments intéressants, ainsi que les liens entre eux, et la qualité de ces liens. Ça leur suffisait pour avoir une idée de l’intérêt de l’endroit et de ce qu’ils pourraient y trouver, mais ça ne m’obligeait pas à écrire un univers de campagne complet à l’avance.
Jusqu’ici, ça marche bien. Je les ai fait débuter avec un scénario d’introduction, je leur ai donné la carte et leur ai demandé “Où allez-vous ensuite ?”. Je pose cette question à la fin de chaque session et ça me donne une semaine pour préparer en développant à partir des quelques notes dont je dispose sur l’endroit choisi, ou sur le voyage pour s’y rendre. Bien entendu, si une bonne idée me vient à un autre moment, je la note afin d’enrichir ma “banque” de détails.
C’est comme ça que je trouve mon équilibre. Ce qui marche pour vous sera sans doute différent. Je suis conscient que si j’avais essayé de tout cartographier à l’avance, j’aurais mis ma campagne au point mort dès le départ, ça m’est déjà arrivé, mais cette fois-ci, j’ai évité ce destin.
Norman Harmann
Tu sembles définir le bac à sable comme un univers de jeu qui est défini à mesure que les personnages l’explorent. Si je ne me trompe pas encore une fois.
C’est la raison pour laquelle les grands auteurs de bacs à sable tels que Tolkien ou Howard ont créé un historique et une géographie de leur monde à grands traits.
Avec ça, c’est plus facile de savoir à quels dangers Conan pourrait être confronté s’il décide de traverser le territoire picte au lieu de prendre la route principale à travers l’Aquilonie.
Si la route de l’est et celle de l’ouest ont des conséquences différentes, elles devraient disposer de tables de rencontres aléatoires différentes.
Le fait est que l’aléatoire ou l’absence de connaissance des détails en amont n’exclut pas que des choix alternatifs puissent avoir des conséquences différentes ou des rapports de risque/récompense différents. Tu (ou les talents en pistage de ton PNJ rôdeur, peu importe) peux leur dire que la route A est lente et sûre à l’encontre de la route B qui est rapide mais dangereuse avant même d’avoir défini exactement la nature du danger ou ce qu’il y a le long de ces routes.
“L’horizon de connaissance” d’un joueur détermine le degré de fiabilité des décisions qu’il peut prendre.
Zak Smith
@Norman : Je définis le mode bac à sable comme “il n’y a pas de trame préétablie ; les PJ peuvent aller où bon leur semble”. Cela n’implique pas que le monde soit défini, ou non défini à l’avance.
Les deux “tables de rencontres aléatoires des régions sauvages” ont du sens dans ce contexte à condition que les joueurs sachent que les tables sont différentes (des serpents au sud, des ours au nord, etc.). S’ils ne le savent pas, ce n’est pas un choix éclairé.
Mindspot
C’est… un putain de bon post.
J’ai joué un PNJ, une fois, dans une partie chez Kenzerco (les gens de Knights of the Dinner Table (7)), et je jouais un ranger elfe chargé de guider le groupe dans la région. Chaque fois que nos persos arrivaient dans un nouvel endroit, rencontraient une nouvelle faction ou une créature, je demandais si mon perso savait quoi que ce soit sur ça. Il ne savait jamais rien. C’était fort agaçant.
(…)
Bref. Tu as bien raison sur le jeu en bac à sable, et sur comment il est à cheval entre la masturbation intellectuelle qu’est l’obsession des détails d’un univers et la totale impro non maîtrisée.
Article original : Conan Knew More About Cimmeria Than Howard Did
(1) NdT : Mark J. Young développe également cette notion dans Gauche ou droite ? ptgptb, où il présente une autre façon de créer le plan d'un donjon (ce dernier pouvant tout autant être un donjon au sens strict du terme qu'un ensemble de lieux interconnectés sur une carte comme peut l'être une région ou un pays). [Retour]
(2) NdT : Pour des estimations sérieuses sur la répartition de la population médiévale sur un territoire, lisez La Démographie médiévale facile ptgptb. [Retour]
(3) NdT : Rappel de définition dans cet article ptgptb. [Retour]
(4) NdT : En plus des rumeurs, La Vie continue ptgptb vous prodigue d'autres astuces pour rendre votre monde plus tangible. [Retour]
(5) NdT : Lire à ce sujet Oui, mais… ptgptb de Robin Laws où cette technique d'improvisation théâtrale est décortiquée. [Retour]
(6) NdT : Utiliser le “et” plutôt que le “mais” ptgptb se penche justement sur le pouvoir exceptionnel de ne pas bloquer les idées des joueurs mais de les encourager. [Retour]
(7) NdT : PTGPTB a traduit certains articles de cet éditeur. Vous pouvez les retrouver ici. [Retour]
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