Les Orcs, la Violence et le Mal

Un nouvel article de blog décousu au sujet de mes pensées.

L'autre jour, je lisais une discussion à propos du module classique Le Château-Fort aux Confins du Pays (1) pour Donjons et Dragons On s'y plaignait que les tribus orcs (et gobelines, [ainsi que les kobolds et autres tribus chaotiques (NdT)]) des cavernes comprennent des enfants et des civils. Les PJ doivent alors décider que faire d’eux, une fois les guerriers exterminés.

J’aime ça. Cela souligne le fait que les orcs sont des personnes (tarées et très dangereuses, mais des personnes quand même) et que le monde n'est pas un endroit où la violence peut résoudre tous les problèmes.

Il semblerait que présenter des enfants orcs et forcer une décision les concernant (les tuer, les laisser à leur sort ou les ramener à la civilisation) ait laissé un goût amer dans la bouche de certains·es… D’autant plus que les PJ peuvent se rendre compte qu'ils viennent d'envahir le lieu de vie de ces créatures et de tuer tout le monde.

Et bien. Pourquoi cela arrive ? Parce que le jeu présente les orcs sous deux facettes :

  • Ce sont des personnes, avec une langue, une culture (même rudimentaire), des familles (même dysfonctionnelles), des foyers, des bébés, etc.
  • Ils sont tous maléfiques et doivent être éliminés, probablement en recourant à la violence.

Associés, ces éclairages produisent des résultats qui peuvent déranger. Tolkien lutta longtemps avec le fait de de rendre ses orcs « toujours mauvais » et ne parvint jamais à une solution qui le satisfît entièrement. Gygax fît de nombreux choix créatifs astucieux mais péta légèrement un câble lorsqu'il déclara que, dans D&D, exterminer les bébés orcs relevait de l'obligation morale (en ajoutant une précision bien utile : « les lentes donnent bien des poux »).

D&D traite la morale de la façon la plus stupide que j’ai vue dans un univers de JdR : le Bien et le Mal sont des forces objectives de l'univers (au même titre que le feu ou l'entropie) et choisir un alignement revient à servir l'une d'elles. Et bien que toutes les éditions successives du Manuel des Joueurs décrivent des PJ bons agissant avec mansuétude et générosité, ce qui se passe en cours de partie, c’est que l'alignement sert principalement à désigner les monstres qu'on est censés tuer. Et vos PJ sont donc de vertueux croisés génocidaires au service d'un principe cosmique abstrait. C'est complètement débile.

(Je suis une joueuse de Vampire – La Mascaradegrog, j'aime la multitude des routes et des chemins, les zones grises de la morale et la subjectivité de mes personnages).

Cet article parle donc de ma façon de gérer ces éléments-là dans les jeux inspirés par D&D.

Commençons par l'alignement wiki.

Que l'alignement aille se faire mettre, ça a toujours été une idée stupide. Le crible 3 par 3 bon/neutre/mauvais et loi/neutre/chaos est une façon pourrie de catégoriser les personnalités des PJ et conduit régulièrement à des parties de merde où le ou la MJ et les joueurs.euses s'engueulent pour savoir si un PJ est interprété de la bonne manière, ce qui débouche invariablement sur un clivage entre deux personnes incapables de se mettre d'accord sur les principes fondamentaux sur lesquels la morale est construite. Les manuels de D&D sont complètement inutiles en la matière puisque fondamentalement l'alignement n'est là, soit que pour vous dire que vous devriez tuer ces orcs, soit comme un vestige des éditions précédentes.

(image Wikipedia)

Mais peut-être que l'alignement est quelque-chose que vous voulez voir dans vos parties ? Qui suis-je pour juger ? Il y a bien des gens pour apprécier les films Marvel, alors tous les goûts sont dans la nature. Pour commencer, ignorez le Bien et le Mal, il s'agit de toute façon d'ajouts ultérieurs qui ne font que rajouter de la confusion. Considérez la Loi et le Chaos comme constitutifs de l'alignement et faites-en des principes cosmiques plutôt que des jugements moraux. Ou mieux encore : faites comme dans Lamentation of the Flame Princess (LotFP) grog ; faites de la Loi « le plan divin », la Neutralité « le plan matériel tout merdique et ses imperfections » et le Chaos « les influences non-naturelles ». Rendez les extrêmes de la Loi et du Chaos étranges et incompréhensibles. Faites que les humains raisonnables soient Neutres.

Maintenant que j'y pense, j'aime bien la façon qu’a LotFP de considérer l'alignement. Elle fonctionne bien avec le monde que le jeu essaie de décrire et évite les discussions idiotes à propos de l'utilitarisme ou autre débat philo  (2)

Donc voilà, l'alignement ne doit pas être une question de moralité, si vous voulez jouer une « bonne personne » vous devriez pouvoir le faire sans avoir à tordre les mécaniques du jeu  (3) .

Abordons le second point : qui sont les PJ ?

Les PJ ne devraient pas être des héros. Les PJ ne devraient pas être nobles ni bons ni autre chose de similaire. En tous cas ça ne devrait pas être la position par défaut (un ou une PJ noble ou altruiste devrait être une anomalie intéressante, pas le standard attendu). Les PJ sont des chasseurs de trésors sans morale (ou, en tous cas, à la morale douteuse). Ce sont des pilleurs de tombes, des mercenaires, des gens bizarres.

J'ai suis encline à considérer les aventuriers comme l'équivalent fantasy d'un gang de dealers de rue dans la vraie vie. Lorsque vous venez d'un milieu merdique ne vous offrant que de rares opportunités et que vous voulez devenir riche, célèbre ou bien quelqu’un qui déchire sa race, et que la société normale ne vous donne que trop peu d'options pour ce faire… vous devenez un.e aventurier.ère ou vous rejoignez un gang. C'est grave dangereux ; ça fait plutôt mauvais genre et ça n'apporte aucune reconnaissance officielle. C'est vous et vos potes tâchant de réussir un gros coup. Vous mourrez jeune, sans doute ; les forces de l'ordre ne vous ont pas à la bonne. Vous êtes des individus à la marge, prêts à tout risquer, à accomplir les besognes les plus basses et les plus dangereuses dans l'espoir de devenir riches.

Comment insérer les Clercs dans cette approche ? J'ai tendance à jouer les clercs comme des membres de cultes ; des mystiques, des prophètes… des fanatiques religieux reliés aux forces cosmiques d'un autre monde. Des rebuts. Certainement pas des membres d'une religion établie telle que l'église catholique - parce que les prêtres des religions établies ont des théologies à débattre, doivent s‘occuper de leurs ouailles et n’ont pas la moindre minute de libre pour aller piller des tombes.

Pourquoi désigner ceci comme étant le PJ par défaut, plutôt qu'un archétype plus héroïque ?

D'abord, en rendant les PJ amoraux vous améliorez leur agentivité [liberté de choix et d’actions influentes ptgptb (NdT)] dans le monde de jeu. Vous êtes libéré du problème des « Non, tu es Bon, tu te dois d'accepter cette accroche scénaristique sinon tu joues mal ton perso ».

Un personnage amoral peut agir de façon altruiste s'il le désire, si l’envie lui prend. Un groupe de Héros est censé se conduire héroïquement en permanence. Être héroïque mène inévitablement aux quêtes pour sauver le monde, celles qui n'ont qu'une issue possible : le monde est sauvé et le Bien triomphe… ou bien la campagne finit, j’imagine ? On ne fait que suivre la quête jusqu'au résultat final. Dans ce genre, ces histoires m'ennuient. Un peu plus loin dans ce texte vous me verrez fulminer la bave aux lèvres sur le pourquoi du comment.

Ensuite, ça bousille complètement la synergie entre les mécanismes de jeu et les motivations des PJ. Votre personnage veut devenir riche vite, donc il va descendre dans un donjon pour y ramasser des trésors. Vous voulez obtenir des XP pour faire que votre PJ monte de niveau ; on obtient des XP en trouvant des trésors, donc vous descendez dans un donjon pour les collecter. Tout concorde.

Si un PJ héroïque veut faire des trucs héroïques mais que la joueuse veut des trésors pour monter de niveau… tout est déconnecté. Cela dégrade la partie car vous allez lutter pour justifier les actions que le système vous incite à accomplir. Vous pourriez retirer le système octroyant des XP contre des trésors mais ça n'aboutira probablement soit qu'à un système XP-pour-tuer-des-monstres, où il faut exterminer des trucs en permanence, soit à un système XP-pour-s’être-pointé-à-la-partie ce qui est merdique et n'a aucun sens.

Tout ça pour en venir au problème du Mal.

En tant qu'individu, dans la vraie vie, je pense qu'il est mal de tuer des gens. On pourrait argumenter que c'est parfois nécessaire pour l'intérêt général, mais tuer quelqu'un reste quelque chose de mal. D'après la plupart des définitions je suis dans la vraie vie une pacifiste assez enthousiaste. L'idée me gêne que des peuples entiers (les orcs, les gobelins, les elfes noirs et d’autres encore) soient présentés comme « [naturellement] mauvais et donc il faut les tuer ». On pourrait en faire un problème de racisme mais en ce qui me concerne le problème réside plus dans la banalisation des tueries.

La violence dans les jeux (et plus largement dans d'autres médias) est un sujet sur lequel j'ai des opinions fortes et complexes. Je ne pense pas qu'elle vous pousse à commettre des meurtres dans la vraie vie. Mais en observant un protagoniste de jeu vidéo sulfatant des hordes d'ennemis, j'ai du mal à approuver ce personnage : il est en train de commettre un massacre de masse. Je n'aime pas ça.

Créer des catégories générales de sbires qu'il est acceptable de tuer n'arrange rien. Les orcs, les troupes d'assaut (essayez de deviner si je parle des Allemands [Sturmtruppenwiki] ou de Star Wars) restent des gens, quand bien même le média en question tente de les déshumaniser pour que les tuer ressemble moins à un meurtre.

« Hans, t'as vu nos képis ? »
« Oui, qu'est-ce qu'ils ont ? »
« Il y a des têtes de mort dessus. C'est nous les méchants ? »

Le problème n'est même pas la violence en elle-même - j'aime incarner des méchants : parmi mes PJ du moment il y a une Tzimisce Koldun  (4) qui commet des atrocités à l’occasion, pour que les gens soit trop terrorisés pour lui causer des ennuis ; et un nécromant bizarre membre d'un culte de la mort qui croit sincèrement que la plupart des problèmes peuvent être résolus en tuant les gens jusqu'à ce qu'ils se réincarnent dans une forme plus coopérative. Vous pourrez remarquer que ces deux personnes se comportent de façon morale, selon leurs propres standards ; ils sont juste un peu tarés (et vous pouvez relire mes idées sur les PJ de D&D qui sont des voyous sans morale). Mais lorsqu'une œuvre attend de moi que je considère le meurtre sans scrupule comme digne d'éloges, je perds ma capacité à considérer le protagoniste comme « le gentil ».

De cela découle ma façon de mener des parties. Je n'aime pas présenter des scénarios où la bonne façon de jouer est de se balader en tuant des gens (vous remarquerez que dans Wolfpacks & Winter Snow j'ai créé le système de façon à ce que l’on gagne des XP en chassant des animaux, jamais en tuant des humains ou d'autres personnes). Il faut donc que les monstres se manifestent sous une autre forme : zombies sans cervelle, dangereux animaux prédateurs ou défendant leur territoire, etc. Les combattre ne pose pas de problème car ce ne sont pas des gens. Et si vous voulez faire votre végan en colère avec moi, allez-vous faire foutre. Si ça vous chante de traiter les loups comme je traite les orcs ci-dessous, rien ne vous en empêche.

Les orcs et assimilés sont traités comme « simplement des personnes ». Ils sont dangereux, bien évidemment. Bien sûr, ce sont vos ennemis. Assurément, leur culture peut apparaître comme cruelle, fanatique ou agressive. Mais ils restent fondamentalement des individus qui saignent et hurlent lorsque vous les poignardez. Ils ont des familles et des amis et ils souhaitent éviter de mourir.

Dans mes parties, il est parfaitement possible de négocier avec les orcs, même si c'est difficile. Les orcs sont des enfoirés, mais c'est possible. Crénom, c'est sans doute une bonne idée de négocier plutôt que de combattre ; ils sont tout aussi malins que vous, et combattre des ennemis malins signifie que moi la MJ je vais essayer de vous entuber avec toutes les tactiques vicieuses envisageables (5) . Pièges, prises d’otages, embuscades, manœuvres en formation, guerre psychologique… Et si la défaite semble inéluctable, ils prendront la fuite ou se rendront. Ils seront rancuniers. Leurs potes voudront les venger. La violence contre les gens, ça devient vite bordélique, justement parce que ce sont des gens.

Mais ils ne sont pas intrinsèquement Mauvais, pas plus que les Romains envahissant la Gaule ne l’étaient. Ce sont juste vos ennemis… Et des enfoirés.

Ces bébés orcs dans « Le Château-Fort... » ? Ils sont géniaux. Ils illustrent parfaitement ce que j'essaie d'expliquer. Le Guide du Maître de LotFP dit explicitement que vous pouvez tout simplement utiliser des humains au lieu de monstres humanoïdes. Ça me plaît aussi.

L'autre catégorie, ce sont les êtres extraterrestres et surnaturels. Les démons ? Ils sont trop bizarres et trop ravagés. Vous ne pouvez pas raisonner avec un démon ; son réflexe est de vous faire souffrir, comme le vôtre est de continuer à respirer. Ils sont simplement Mauvais. Ils sont une aberration. Ils ne devraient pas exister. Tuez-les, brûler-les, purifiez-les par le feu.

Mais ce ne sont pas des gens, pas vraiment. Un démon ne peut raisonner comme une personne ; tout ce qu'il veut faire et tout ce qu'il fera c'est infliger des souffrances. Sa personnalité est incomplète, il n'a qu'une idée en tête et se comporte de façon presque automatique, même s'il est très intelligent. Sa seule raison d'être est d'infliger des souffrances.

Ce raisonnement ne s'applique pas qu'aux démons : la seule chose que désire un élémental de feu c'est de faire cramer des trucs, qu'il s'agisse de vous, de votre maison ou de votre famille. On ne peut pas raisonner avec lui ; c'est une puissance de la nature, pas une personne. Ou bien l'Idée des Épines, dans [ma campagne de] Ynn : un virus qui veut uniquement infecter de plus en plus de cerveaux. Ce n'est pas une vraie personne. Indiciblement étranger et dangereux. Pas vraiment doté de conscience. Combattre ces choses, c'est comme combattre un feu de forêt ou une épidémie (6) .

Interlude où je parle du Mal Absolu.

Je hais de toute mon âme les fictions décrivant des batailles visant à vaincre un Mal absolu, quelque chose de profondément enraciné dans la culture populaire de notre temps. Les Siths sont maléfiques et il faut les vaincre. Le Cartel dans Half-Life aussi, tout comme le Chaos dans Warhammer 40K, ou quoi que ce soit que les Avengers combattent cette année. Le Mal Ultime, cela signifie que vous pouvez, que vous devez même, mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour le vaincre. Si vous devez faire une entorse à vos principes (p.ex. Batman piratant les téléphones de toute le monde pour trouver le Joker ou un autre Méchant), faites-le. S'il y a des dommages collatéraux là où vous avez combattu le Mal, et bien… vous étiez en train de combattre le Mal. Si vous devez sacrifier quelques bâtiments, quelques principes ou quelques civils pour vaincre, c'est toujours justifié et ça le sera toujours car le Mal Absolu implique des justifications absolues.

Voici à quoi ressemble une ville sauvée par les Avengers (New York je pense?) :

Voici à quoi ça ressemble de gagner la 2e Guerre Mondiale (Hiroshima) :

Bâtiments en ruine, civils tués, destruction effroyable. Mais c'était justifié, pas vrai ? Ils ont dû le faire pour stopper les forces de l'Axe. Ça rend tout ça acceptable, pas vrai ? Ils étaient Mauvais, pas vrai ?

C'est là où en est encore notre culture : nos ennemis ne sont pas simplement nos ennemis, ceux qui veulent des choses dont nous ne voulons pas. Ils sont l'Autre Maléfique.

Nous contre eux, le Bien contre le Mal. On ne négocie pas avec les terroristes. Cassez la gueule aux nazis. Les gauchos et/ou les fachos pervertissent la culture populaire, dévoilons leurs données personnelles pour la peine. Si vous n'aimez pas ce que vous voyez à la télé, c’est de l’intox (Fake news), mais pour gagner la guerre de la propagande vous êtes autorisé à tordre les faits autant que nécessaire. C'est justifié parce que ce sont les méchants et que nous devons gagner.

C'est de la merde. De la grosse merde.

La culture populaire reflète et influence notre façon de voir le monde en tant que société. En ce moment, il semblerait que nous adorons les luttes apocalyptiques opposant le Bien et le Mal. Et si vous passez du temps en ligne, vous assisterez à la guerre culturelle sur Internet. Le Brexit, Trump, tout ça. Nos systèmes politiques semblent incapables d'accorder une place au compromis ou à la coopération, il ne reste plus qu'une lutte perpétuelle pour garder le contrôle. Et si vous devez sacrifier l'éthique pour ce faire, faites-le.

Je suis plutôt de gauche mais le discours de gauche sur Internet est tellement hostile et toxique, il a tellement tendance à interdire certaines opinions, que ça me rend malade. Et l'autre camp… me sidère par leur capacité à être sciemment ignobles.

Ahem, revenons aux jeux avec des orcs et des trésors. Trouvons le point pertinent pour les jeux de rôle sur table. (ça se voit que je n'ai pas dormi depuis 18 heures?)

J'adore Vampire, La Mascarade parce que c'est un jeu qui exprime clairement qu'il n'y a pas de gentils. La Camarilla est hypocrite et impitoyablement autoritaire ; le Sabbat - tout en prétendant vouloir sauver le monde - passe beaucoup de temps à perpétrer des massacres et assez peu à traquer les Antédiluviens. Les clans non-alignés servent pour la plupart d’antiques dieux sanguinaires aux intentions douteuses et les Anarchs sont des abrutis incapables de voir les choses dans leur ensemble qui vont tout foutre en l'air pour tout le monde. Personne n'a raison ; c'est le bordel. Parlementez et manigancez, tout simplement parce que vous ne pouvez pas vous permettre de foncer dans le tas en défouraillant.

Pour moi, l'une des grandes forces des jeux de la mouvance OSR est leur amoralité et la liberté que ça octroie pour développer des personnages et prendre des décisions. Ça limite ces possibilités que d’essayer d'imposer une morale déterminée par des règles et l'univers dans les parties. Essayer de présenter les ennemis comme foncièrement mauvais amoindrit cette liberté. Les ennemis qui ne sont là que pour combattre, clamser et donner des XP, c'est rasoir et très superficiel. « Voilà un monstre, j’imagine qu’il faut le buter » ne sera jamais aussi intéressant que « Bon, qu'est-ce qui ce passe avec ces types ? Vous pensez qu'on devrait les attaquer ? ».

Dans un jeu OSR, j'ai la possibilité d'explorer des donjons bien cools et de ramasser des trésors, alors pourquoi tout gâcher ?

Et le plus important : que les films Marvel aillent se faire mettre.

Article original : Orc, violence, and evil

Sélections de commentaires

Scott Anderson

Bien sûr qu'il faut les buter. C'est pas comme si on allait signer un traité de paix avec l'Orcland et installer des franchises McDo dans le centre-ville d'Orcville.

Et puis ça évitera à vos enfants d'avoir à les tuer lorsqu'ils seront adultes.

Réponse de Emmy Allen

C'est marrant ce que tu dis, je joue l’ambassadrice d'Orcland dans l'équipe d'orgas d'un GN. Á la prochaine séance, on est censés négocier un traité de paix avec le pays des PJ.

Décrire les orcs comme des choses avec lesquelles on ne peut pas négocier est un choix, un choix que je ne trouve pas très intéressant. Tout comme je ne trouve pas intéressant d'avoir des espèces entières qu'il faut juste exterminer. Ils peuvent bien entendu être vos ennemis à court terme, mais ce sont des ennemis comme pouvaient l'être les Écossais et les Anglais, pas comme la variole est l'ennemie de l'humanité.

Yami Bakura

Je suis d'accord pour dire que l'alignement dans D&D est une idée stupide mais je pense que c'est à cause de la matrice 3X3 et comment le jeu fonctionne à contresens. Je pense qu'un système d'alignement peut fonctionner dans un univers de super-héros ; ou un univers où il existe un code moral très clair, comme [celui de la chevalerie dans] Pendragon (mais pas à D&D). Le système de [l’affrontement cosmique de] la Loi contre le Chaos, avec les Neutres qui courent se mettre à l’abri me semble également acceptable.

As-tu lu ce que Joseph Manola a écrit dans Against the wicked City ?

Il en parle beaucoup dans ses articles sur la fantasy romantique.

Réponse de Emmy Allen

Comme tu t'en es peut-être aperçu, je ne suis pas fan du genre super-héroïque... Je pense que Pendragon traite très bien la moralité car il explicite le code moral qu'on est sensé suivre et le base sur les standards de l'époque, pas sur un vague « faut être gentil – je suppose ? » du XXIe siècle.

L'une des choses que j'adore à propos des vampires c'est que ceux qu'on utilise comme antagonistes ont en général un code moral différent de celui des PJ. Pour le PJ-type de la Camarilla (qui s'accroche probablement encore à son humanité), les membres du Sabbat sont des monstres. Mais pour le Tzimisce moyen, suivre le chemin de la métamorphose et poursuivre son évolution personnelle aux dépends de simples mortels c'est par définition faire le bien. Pour un Tzimisce, la Camarilla s'accrochant à son humanité est tout aussi malade et tordue que peut l'être un Tzimisce manipulant la chair aux yeux de la Camarilla.

Joseph Manola

Emmy, j'ai fini ma série d'articles sur la fantasy romantique avec une réécriture du Château aux confins du pays qui en fait une aventure sociale basée sur le dialogue. Tu peux la trouver ici (en)

Je partage tes inquiétudes sur les histoires de violence héroïque et rédemptrice si communes dans les medias populaires et je tâche d'aller à contre-courant chaque fois que j'en ai l'occasion. Comme toi, je préfère le D&D version OSR aux versions récentes précisément parce qu’il met moins l'accent sur le génocide comme méthode de résolution des problèmes mais je ne partage pas tes conclusions sur la nécessité d'avoir des PJ particulièrement amoraux.

En même temps, je dois reconnaître que de nombreux jeux (jeux vidéos, jeux de plateau ou jeux de rôle) ne traitent pas vraiment le combat comme un épisode violent, en tout cas pas plus que les échecs. La plupart des aventures de Pathfinder par exemple sont tout à fait explicites sur le fait que les combats obligés sont là pour fournir un quota d'XP tout en proposant des défis tactiques qu'on espère intéressant. Si les joueurs.euses et le ou la MJ sont sur la même longueur d'onde, il n'y a aucune raison pour que ces exercices de maths servent de base à une réflexion sérieuse sur la moralité de la violence.

Red Flanagan

C'est vrai, les Clercs et une conception absolue de la morale bousillent les parties. Je ne dirais pas que dans l'OSR l'absence d'alignements stricts facilite l'ambiguïté morale. Ça encourage, ou en tout cas, accompagne des comportements de psychopathes. Mais au moins le groupe va s'accorder sur le comportement psychopathe, pas se foutre sur la gueule avec le gland qui joue le clerc ou le paladin.

Réponse de Emmy Allen

Les foutages sur la gueule avec le paladin, c'est un problème structurel dans un système qui définit l'alignement de cette façon tout en laissant les joueurs.euses choisir celui qui leur plaît, qu'il soit compatible avec les autres ou pas. Il y a une raison pour laquelle Dark Heresy grog ne vous laisse pas avoir un Technoprêtre, un Marine [chaotique] de la Peste et un Archonte dans le même groupe.

Jackakasmith

Ça ne ressemble jamais à un dilemme si l'option de la négociation n'a jamais été disponible. D'où ma question : lorsqu'on rencontre quelque chose de totalement étrange (le démon ou l’élémentaire mentionné plus haut), comment rendre ça intéressant pour les joueurs.euses ?

Réponse de Emmy Allen

Je vois 2 aspects intéressants

D'abord, apprendre des choses sur l'étranger bizarre et parvenir à le comprendre, c'est rigolo. Ça correspond à ma conception de D&D comme un JdR portant sur la découverte.

Ensuite, la personnalité de, disons, un élémental de feu est une bribe incomplète de celle d'une vraie personne. Si vous savez que ça aime brûler des trucs, vous pouvez le manipuler ou prévoir ses actions en fonction de ce qu'il y a à brûler dans le coin.

Paul Berry

« Voici à quoi ressemble une ville sauvée par les Avengers » :

Sauf ton respect, à quoi ressemblerait New York (ou le reste du monde) si Loki et l'invasion des Chitauri n'avaient pas été stoppés ?

N'oubliez jamais la citation d'Orwell sur pourquoi on peut dormir en paix pendant la nuit. ["We sleep safely in our beds because rough men stand ready in the night to visit violence on those who would harm us" – « Nous dormons en sécurité dans nos lits parce que des hommes durs veillent dans la nuit, prêts à déclencher la violence sur ceux qui voudraient nous faire du mal ». George Orwell n’est pas l’auteur de cette citation. (NdT)]

Emmy Allen

Tu vois, les Avengers n'existent pas, Loki et les Chitauris non plus. Au bout du compte, ils font ce que les scénaristes décident. Je regarde ces choses d'un point de vue extérieur, en tant que MJ plutôt qu'en tant que joueuse, si tu veux.

On a décidé de présenter le conflit comme une lutte contre un Mal conquérant qu'il faut stopper à tout prix. Aux vues de la nature de la menace (comme tu le dis, dans quel état se serait retrouvé New York ? Assez apocalyptique, c'est certain) tous les moyens nécessaires pour les stopper sont justifiés. Je ne dis pas que Spiderman aurait dû rester chez lui et laisser le monde se faire envahir. Ça n'est clairement pas le scénario qu'on nous présente.

On ne voit jamais de films de super-héros parlant de ces derniers œuvrant à sauver des vies après une catastrophe naturelle (en fait, je crois qu'il y a une scène comme ça sur une plate-forme pétrolière dans un film de Superman récent). Je pense qu'il y aurait là un gros potentiel, on verrait des scènes de destruction impressionnantes et des héros être héroïques avec leurs pouvoirs géniaux, la menace venant tout autant du volcan en éruption que de Brainiacwiki  (7) qui vient de la provoquer.

Pourtant, les histoires qu'on raconte sont régulièrement celles où les auteurs ont choisi de faire de la menace un Très Méchant Qui Doit Être Stoppé à Tout Prix, où les dommages collatéraux sont justifiés et les problèmes sont résolus avec la violence. Et ça reflète l'état politique de notre monde dans lequel, tu sais… c'est un beau merdier où chacun ne milite que pour son camp.

TPmanW

Si les parties sont menées en suivant la logique des temps médiévaux, il est assez normal que les PJ considèrent leurs ennemis comme maléfiques. Les joueurs.euses doivent juste prendre du recul et se rendre compte qu'ils.elles jouent quelqu'un qui a une vision très différente de la leur.

Le problème c'est que ce n'est pas comme ça que D&D est présenté aux joueurs.euses. Je pense que D&D est très confus en tant que marque. Le pitch d'introduction, les règles et le comportement réel de ses joueurs.euses ne collent pas. Ceux qui sont intéressés par les jeux de rôle médiévaux devraient jeter un œil au blog Coins&Scrolls, cet article (en) en particulier.

WestRider

J'étais justement en train de penser à ça en termes de livres et de films d'horreur. Je préfère de loin les trucs où l'antagoniste n'est vraiment pas une personne. En général c'est un prédateur sans volonté propre (des démons, des fantômes, et assimilés), pas assez intelligent pour faire autre chose que suivre ses instincts de prédateur (animal sauvage ou l'équivalent dans la fantasy), ou bien tellement étrange qu'ils ne se rendent même pas compte, ou se foutent, de ce qu'ils font aux humains (les divinités lovecraftiennes).

Cela n’implique pas que je réprouve les histoires avec des antagonistes disposant de leur libre-arbitre, c'est juste que je les aime plus nuancés et axés sur les relations interpersonnelles que ce qu'on trouve habituellement dans l'horreur.

La dernière fois que j'ai essayé de créer un univers de jeu de rôle pour une campagne, c'est l'aspect que j'ai essayé de privilégier. Il y avait des orcs, des ogres et d'autres trucs et les PJ auraient sans doute fini par en combattre quelques-uns, mais ça n'aurait pas été parce qu'un camp ou l'autre était maléfique, simplement qu'ils se trouvaient sur une île surpeuplée et pauvre en ressources et que personne ne voulait être ceux qui crèvent de faim.

Les films Marvel sont bizarres. Certains éléments me plaisent et j'y reviens toujours (la plupart des trucs relationnels, comme les interactions entre Captain America et Bucky, ou l'arc narratif de Thor évoluant de bagarreur à roi) mais il y a tellement de choses vraiment merdiques, surtout dans les films de groupes.

Mon passage favori –le seul dont je me souvienne où le héros gère un problème sans taper sur quelqu’un – est dans un des films de Iron-Man : le méchant bousille un avion en vol et tout les passagers se font aspirer dehors ou tombent en chute libre tandis que l’avion part en morceaux. Tony abandonne la poursuite du méchant pour passer les scènes suivantes à se démener pour attraper tous ces gens avant qu'ils s'écrasent. C'est l'un des seuls moments des film Marvel où on sent de l’héroïsme.

J’ai aussi quelques notes sur une idée à moitié formée, celle d’une équipe de super-héros qui ont des pouvoirs sous-marins. Ils passeraient leur temps à explorer [les grands fonds], mener des opérations de sauvetage et de secours en mer. Que des histoires de personnages contre l’environnement ou des persos en proie à leurs démons.


(1) NdT : Le module B2 est un scénario d’introduction présent dans la boite de base de la première édition de Donjon & Dragons. Il est destiné au MJ débutant, l’accompagnant dans l’apprentissage de la maitrise du jeu. [Retour]

(2) NdT : comme le débat « existe-t-il un mal absolu ? » ptgptb, qui n’est pas une discussion si idiote… [Retour]

(3) NdT : Steve Darlington propose p.ex. un système d’alignement « scientifique » inspiré des 5 principes-clés de moralité que nous acquérons de façon innée ptgptb. [Retour]

(4) NdT : Le clan Tzimisce de Vampire, la Mascarade a pour idéologie est d’abandonner toute humanité. Ses membres sont intellectuels, sournois et cruels (ils sont surnommés « les Démons »). Les Koldun sont leurs magiciens. [Retour]

(5) NdT : nous avons quelques articles pleins de conseils de ce genre p.ex. Tactiques diaboliques contre PJ narcoleptiques et 10 façons de rendre vos ogres plus impressionnants. [Retour]

(6) NdT : d’ailleurs la salamandre, etc. sont des « personnifications » de phénomènes naturels. Quand on croit aux esprits, ils sont partout et ils expliquent tout : la rivière en crue qui inonde le village? C’est l’ondine à qui on a pas assez fait de sacrifices ! [Retour]

(7) NdT : l’autrice ne connaîtrait-elle pas la BD de super-héros The Authority wiki , écrite par Warren Ellis et Mark Millar? Dans ce comics, les super-héros sont interventionnistes, et par exemple déposent la dictature birmane. Évidemment, se pose la question de leur légitimité à décider de ce qui est bien, vis-à-vis des politiciens p.ex. qui eux sont élus... En JdR, on ne peut passer à côté de Aberrant grog où le projet Utopia, soutenu par les Nations Unies, rassemble les super-héros et reverdit le Sahara, etc. [Retour]

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Pour aller plus loin…

Lisez d'autres souvenirs traduits concernant le module B2 (Le Chateau Fort au Confins du Pays) sur cette page.

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