Répertoire des Outils de sécurité émotionnelle

Aujourd’hui, je ne vais pas cogiter sur les raisons pour lesquelles j’estime que les outils de sécurité émotionnelle sont nécessaires (j’y consacrerai un article un autre jour), mais plutôt rassembler, en français, les plus répandus d’entre eux dans les JdR grandeur-nature et les JdR sur table (1) : quiconque en aurait besoin pourra se référer à cet article, que je mettrai à jour. Aussi, si vous souhaitez que j’en ajoute, contactez-moi.

Les outils communs

Avertissements sur le contenu

L’un des outils les plus efficaces, quel que soit le type de JdR, est d’ajouter des avertissements pertinents concernant le contenu de votre jeu dans sa description. Le signalement des points qui peuvent être problématiques pour certaines personnes, mais qui restent essentiels au jeu, permet d’éviter de nombreux malentendus dès le départ et contribue à créer un contrat social plus sain et juste.

Bien que certains points puissent être considérés comme des spoilers, il est préférable de révéler une partie du contenu plutôt que de prendre le risque de mettre quiconque mal à l’aise. Parmi les thèmes concernés, nous pouvons citer : les violences sexuelles, le racisme, le sexisme, la torture, l’érotisme, la discrimination, etc (2).

Session 0 et Ateliers d’introduction

La session 0 est la session lors de laquelle les personnes autour de la table se rencontrent avant de commencer un jeu, une partie ou une campagne. Elle est traditionnellement liée de près à la création des personnages, mais de nos jours, elle va bien plus loin. Au cours de cette session, plusieurs choses sont abordées, dont les attentes des joueurs et joueuses, leurs lignes et leurs voiles [voir plus bas (NdT)]. Cette discussion permet d’« établir » le Contrat Social qui sera en vigueur tout au long de la partie/campagne.

Dans les GN, une situation similaire se produit lors des ateliers d’introduction au cours desquels des outils de sécurité émotionnelle sont expliqués et exécutés à titre d’exemples. Cela permet d’établir le Contrat Social du GN.

La Porte ouverte

Le système de la porte ouverte indique clairement que tout participant qui se sent mal à l’aise peut quitter l’événement ou la partie sans avoir à s’expliquer, ou que son départ ait des répercussions. Bien que cet outil puisse être à double tranchant pour les sessions, notamment lorsqu’il existe une interdépendance parmi les PJ, il permet de réaffirmer le concept selon lequel la sécurité émotionnelle des participants passe avant tout le reste.

Les Lignes et les Voiles

Les lignes et les voiles ptgptb sont une technique qui permet, au cours de la session 0 ou des ateliers d’introduction, d’aborder les points les plus sensibles qui peuvent se poser pour ainsi contrôler le niveau de confort des joueurs et joueuses concernant ces sujets. Les différents niveaux sont les suivants :

  • Les lignes, ou les limites à ne pas franchir. Les thématiques soulevées par le groupe ne doivent pas être mentionnées : elles n’apparaissent ni de près ni de loin dans le jeu. C’est pourquoi il est essentiel de mettre en place des avertissements sur le contenu qui permettent de savoir dès le départ quels sont les points non négociables.
  • Les voiles sont des thématiques dont le traitement explicite dans le jeu peut mettre quelqu’un mal à l’aise, mais sans opposition à ce qu’elles soient réalisées en "hors champ". La méthode classique est de faire un fondu au noir lorsque c’est nécessaire : nous savons ce qui se passe, mais nous n’en avons pas les détails.

Liste de sujets délicats à éviter

Exemple d’une fiche de lignes et voiles reprenant le système du feu tricolore. Parue dans Casus.

Le recours aux lignes et aux voiles peut se faire de deux manières. La première consiste à organiser un tour de table lors de la session 0 pour que tout le monde puisse énoncer ses propres lignes et voiles. La seconde est une distribution de formulaires sur lesquels figurent des thèmes récurrents pour que les participants indiquent lesquels sont des lignes et lesquels sont des voiles. Cette seconde méthode permet de préserver l’anonymat : [les fiches sont ramassées et] les thématiques relevées sont lues à voix haute, ce qui permet également de garder en mémoire les points potentiellement problématiques.

Le feu tricolore

Une autre méthode qui permet d’établir les lignes et les voiles du jeu, quoiqu’avec un peu plus de polyvalence, car elle peut être définie lors de la session 0 (avec la fiche expliquée plus haut, par exemple), mais également utilisée pendant le jeu. C’est une méthode largement utilisée dans les GN. Un simple code couleur [sur des cartons à brandir comme au foot, ou avec des bracelets en GN, par exemple (NdT)] est utilisé à cet effet  (3) :

  • Vert : J’aimerais approfondir cette thématique ; nous pouvons continuer.
  • Jaune : Je veux bien aborder cette thématique, mais pas en profondeur ; le niveau est adéquat, mais la situation ne doit pas devenir plus intense.
  • Rouge : Je ne veux pas aborder cette thématique ; nous arrêtons immédiatement la scène et nous passons à autre chose. Ça revient à utiliser une Carte-X.

Les outils des GN

Mots de sécurité

Il est judicieux d’établir une série de mots de sécurité pour faire passer certains messages au cours du jeu et pour régulariser la sécurité physique et émotionnelle. Ces mots peuvent être liés à une autre série de mots qui indiquent l’utilisation d’une méta-technique au cours du jeu, comme l’expression « Vraiment, vraiment » (4). Ils sont également très compatibles avec d’autres techniques telles que le feu tricolore.

  • « Urgence » : indique qu’il y a eu un problème physique majeur et que tout le jeu autour de cette action doit être complètement arrêté jusqu’à ce que la cause de l’urgence soit résolue : nous prenons soin de la personne blessée, tout est mis sous contrôle, les réparations sont effectuées, etc. Nous conseillons d’utiliser ce mot plutôt qu’un autre, comme « danger », car il y a moins de risque qu’il soit pris pour un mot appartenant au jeu.
  • « Coupez » : sert de Carte-X, lorsque quelqu’un n’est pas à l’aise avec la scène. Il permet de passer à la scène suivante tout en contournant la raison qui a provoqué le malaise si la personne ayant utilisé le mot de sécurité ne se sent pas à l’aise pour en parler.

Tout va bien ?

Ces dernières années, un système de signes a été incorporé dans les GN pour vérifier que les autres participants sont à l’aise avec la scène en cours. Par exemple, si vous voyez quelqu’un pleurer et que vous ne savez pas si c’est la personne ou son personnage qui pleure, c’est un bon moyen de vérifier sans trop interrompre le cours du jeu. Les signes les plus courants sont les suivants :

Signe OK : il est utilisé pour signaler à la personne que vous avez des doutes sur son état. C’est le signe de déclenchement de l’outil de sécurité émotionnelle.

Il sert à provoquer les réponses suivantes :

Pouce levé : tout va bien, je n’ai besoin de rien.

Main ouverte pivotant légèrement (ça va moyen) : je ne sais pas trop ce que je ressens. Dans ce cas, la scène doit être arrêtée et il faut vérifier l’état de la personne. Si nécessaire, contactez le service de sécurité émotionnelle de l’équipe organisatrice.

Pouce baissé : je ne me sens pas bien. Arrêtez immédiatement la scène et appelez les responsables de l’organisation si nécessaire.

Le Poing levé

Il indique généralement l’arrêt immédiat du jeu. Cette méthode peut être utilisée par n’importe qui et, traditionnellement, la raison de son utilisation est expliquée par la suite (danger du terrain, accident, information importante de l’organisation, etc.). Il s’agit de l’une des plus anciennes méthodes utilisées dans les Grandeur-Nature espagnols.

Les outils des JdR sur table

La Carte-X

La Carte-X ptgptb est un outil optionnel créé par John Stavropoulos qui permet au groupe (MJ y compris) d’opposer son veto par rapport à un contenu qui le met mal à l’aise, à n’importe quel moment du jeu. C’est un complément à d’autres outils tels que les lignes et les voiles.

Comme la plupart des jeux de rôles fonctionnent avec de l’improvisation, il est possible que le jeu prenne une tournure qui mette certains rôlistes mal à l’aise. Cet outil permet de régler facilement les problèmes au fur et à mesure qu’ils apparaissent. Pour ce faire, une carte marquée d’un X (ou une feuille de papier sur laquelle un X est dessiné) est placée sur la table du jeu. Si un ou une rôliste se sent mal à l’aise avec la tournure que prend le jeu, il lui suffit de la désigner du doigt, puis de faire une pause si besoin, d’en parler ou simplement de changer de sujet si la personne ne veut pas s’expliquer. Dans le cas d’un jeu en ligne, le geste couramment utilisé consiste à croiser les avant-bras pour signaler son utilisation.

La Porte

Une adaptation de l’outil de la Porte ouverte pour les JdR en solo, définie par Vlad Temper pour son jeu Bloodstained Hands : il propose l’utilisation d’une feuille de papier à garder près de soi, face cachée, sur laquelle on dessine une simple porte avec trois lignes. Si, à un moment donné, le joueur sent qu’il ne peut plus poursuivre le jeu, mais qu’il ne peut pas réagir non plus, il doit retourner la feuille et regarder la Porte [pour suspendre la partie ; il pourra ensuite prendre du recul et revenir au jeu une fois qu’il se sentira mieux (NdT)]. Il pourra ainsi gérer ses émotions plus facilement.

Rembobinage, pause, avance rapide (rewind, pause, fast forward)

Bien que cet outil ait été utilisé dans les GN, il est dorénavant beaucoup plus employé dans les jeux de rôles sur table. Il permet d’arrêter une scène qui met quelqu’un mal à l’aise et soit de rembobiner pour la rejouer sans déclencher de malaise, soit de faire une avance rapide similaire à l’utilisation d’un fondu au noir (5).

Article original : Mecanismos de seguridad : El compendio


(1) NdT : Rappelons qu’il existe d’autres pratiques du Jeu de Rôle, par exemple le JdR par forum ptgptb ou ceux en solitaire ptgptb. Les outils de sécurité émotionnelle peuvent bien sûr être utilisés dans ces autres formes de JdR, selon ce qui convient le mieux. [Retour]

(2) NdT : Tous ces sujets sont aussi traités dans les articles regroupés dans notre e-book 27 : 18+, thématiques adultes et JdR. [Retour]

(3) NdT : Cet outil peut être présenté sous différentes formes, comme par exemple la fleur de consentement ptgptb. [Retour]

(4) NdT : « Vraiment, vraiment », ou ses équivalents verum en espagnol et really-really en anglais, s’utilise dans les GN pour faire du hors-jeu sans trop interrompre l’immersion. Cet article d’Electro-GN explique très bien cette technique. [Retour]

(5) NdT : Changer le Script ptgptb propose des cartes à découper avec ces instructions. Elles peuvent aussi servir des buts narratifs. [Retour]

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Pour aller plus loin…

L’ensemble de nos articles sur la sécurité émotionnelle ptgptb.

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