Mes plus grosses erreurs : Revers de piété et de magie

Il y a des erreurs que l’on ne fait qu’une seule fois (du moins espérons-le). Les erreurs dont j’ai déjà parlé ce mois-cien font partie de cette catégorie. Mais certaines erreurs sont vouées par nature à se reproduire et il est tout aussi important d’apprendre à se remettre de ces dernières. Ces erreurs peuvent provenir des défauts d’un scénario, du rythme de préparation d’une campagne ou d’un manque chronique d’imagination dans un certain domaine. (E.E. « Doc » Smith wiki est connu pour avoir eu du mal à écrire des scènes de romance : s’il vous semble que ces dernières ont été écrites par quelqu’un d’autre quand vous lisez cet auteur classique de space opera, c’est parce que c’est le cas ptgptb !)

Ce peut aussi être inhérent à la nature des règles maison et c’est de cette dernière source dont j’ai tiré quelques erreurs que j’ai faites, encore et encore, et que je m’attends tout à fait à refaire dans le futur.

Retirer une règle maison

Au premier coup d’œil, cela semble être une simple formalité. Vous annoncez simplement : « Ça ne marche pas, je supprime. » Mais il y a des problèmes plus profonds à méditer. Si la règle est supprimée parce qu’elle est défectueuse, donnant beaucoup trop de puissance ou d’XP ou quoi que ce soit aux PJ, est-ce qu’ils perdent les avantages qu’ils y ont gagnés, quels qu’ils soient ? Même si leurs personnages ont fait des sacrifices personnels en cours de route pour obtenir ces avantages ou s’ils ont agi d’une manière qui déplaisait au personnage à court terme afin d’y gagner un avantage à long terme ? Ou bien pour prendre l’autre bout du problème, est-il justifié de désavantager les PJ car le MJ, en tant qu’administrateur des règles, les a foutues en l’air ?

J’utilise pour cela trois règles empiriques générales :

  • Si les joueurs ont gagné un avantage parce que le MJ a mal géré, ils peuvent garder cet avantage ou un autre équivalent, bien que l'ampleur de cet avantage puisse être réduite si cela met la partie en danger ;

  • Si les joueurs sont désavantagés parce que le MJ a mal géré, ils devront garder ce désavantage ou un équivalent, bien que l'ampleur de ce désavantage puisse être réduite, cela casse le système. Toutefois, ils recevront aussi un avantage en compensation.

  • L’histoire de l’univers sera remaniée autant que nécessaire pour maintenir les conséquences générales et les changements seront communiqués aux joueurs. Si c’est nécessaire, les joueurs seront consultés afin de déterminer les changements à apporter, par exemple pour trouver d’autres motivations aux actions des joueurs.

Ce système n’est pas parfait. En général, il signifie que si le MJ introduit une règle maison bancale, les joueurs en bénéficieront d’une manière ou d’une autre. Mais il garde la campagne en vie, et les joueurs contents – et sans les joueurs, pas de campagne.

Revers de la piété

Le premier exemple provient de ma campagne de fantasy : Fumanor : la dernière divinité. Elle a connu une histoire particulièrement turbulente – conçue pour AD&D, adaptée pour D&D2, une brève amourette avec Rolemaster grog pour finir avec D&D3. Tout cela représente un paquet d’efforts pour mettre à jour les personnages, les règles maison et pour adapter les règles à la fois à l’histoire et au cadre conceptuel général de la campagne. En cours de route, parce que je suis du genre créatif, j’ai eu des idées de règles : certaines ont marché et d’autres ont échoué.

Celles qui ont fonctionné n’ont pas posé de problèmes et sont restées en place jusqu’à aujourd’hui. J’ai déjà parlé d’elles dans mon blog de temps à autre et continuerai à le faire pendant encore pas mal de temps. Celles qui n’ont tout simplement pas marché sont une autre histoire.

J’ai regardé les règles de réputation de Hackmaster grog (un autre système que j’avais envisagé pour ma campagne, avant que mes joueurs ne me persuadent de me tourner vers la deuxième édition de D&D) et je m’étais dit que la réputation était une application plutôt triviale d’une bonne idée. Une meilleure utilisation de ce système serait de mesurer la piété d’un personnage – les personnages augmenteraient leur piété en faisant des choses que leurs divinités approuvent, et en perdraient pour avoir fait des choses désapprouvées. Ces points de piété pourraient ensuite être échangés contre des faveurs divines telles que l’obtention d’un nouveau sort, des bonus temporaires pour augmenter les effets d’un sort, etc. Là, vous pensez probablement la même chose que moi : sur le papier, ça a l’air génial.

En pratique, ce fut un cauchemar. Cela prenait des siècles de surveiller en permanence tout ce que faisaient les personnages pour déterminer les modificateurs de piété. Cela signifiait qu’il y avait une autre jauge, semblable à celle des points de vie, qui devait être suivie en permanence, mais au lieu d’être le résultat d’un seul processus à la fois, elle pouvait être modifiée par à peu près tout ; ça ralentissait la partie à en agoniser. En outre, la prémisse de fond était mauvaise : quand on testa les règles, un de mes joueurs (qui est doué pour trouver les points faibles d’un système et appuyer dessus) se demanda ce qui se passerait s’il trouvait le moyen d’accumuler des points de piété sans jamais les utiliser, pour ensuite les dépenser tous d’un coup…

Le résultat était un deus ex machina épique, à l’entière disposition des personnages, pour le jour où ça en vaudrait vraiment le coup.

Se remettre de ce bazar fut assez facile ; le joueur en question était plus intéressé par le fait de maintenir la campagne à flot plutôt que de tirer tout l’avantage possible de cette faille, et en fait c’est lui qui proposa de retirer cette règle avant qu’elle ne fasse trop de mal à la campagne. Je lui ai donné une forme d’avantage à usage unique et une paire d’objets magiques mineurs que le personnage avait toujours voulu avoir, et tout le monde fut content.

Ne jetez pas le bébé avec l’eau du bain

Une autre chose que je fais quand une règle maison est rejetée sur la pile de brouillons, c’est de prendre un peu de recul pour voir s’il n’y a rien à récupérer dessus, en la reformulant. Dans ce cas particulier, un principe général me semblait utile : avoir une sorte de mesure de la piété d’un personnage, sous laquelle il pourrait faire un test lorsqu’il fait une requête à ses Dieux, séparée de sa connaissance abstruse des références théologiques. Après tout, quelqu’un peut tout connaître des dieux romains et leur mythologie sans pour autant croire en eux, encore moins leur être fidèle. Les prêtres peuvent être à la fois versés dans les doctrines religieuses et briser les principes de leur foi à une fréquence épouvantable. En témoigne le nombre de prêtres qui ont été emprisonnés pour des crimes de pédophilie ces dernières années.

Dans ce cas, j’ai décidé qu’entretenir sa piété demandait du temps qui aurait pu être utilisé pour faire autre chose. J’ai donc fait de la piété une compétence comme les autres, améliorée en investissant des points d’expérience dans cette dernière. Un léger ajustement du nombre de points de compétence ainsi gagnés (augmentant l’allocation de départ d’un point, et conférant un bonus d’un point pour chaque niveau supplémentaire dans une classe théologique) complétait le tableau.

J’ai ensuite simplement converti la liste de ce que les personnages pouvaient demander en une pénalité d’XP et une difficulté cible ; autrement dit :

  • Si le prêtre gagne 100 XP de moins après la rencontre et réussit un jet de piété de 16, il peut obtenir un bonus de +1 pour toucher lors de la bataille.

  • Si le combat est contre un ennemi connu du dieu, le coût en XP peut être divisé par deux.

  • 200 XP de moins et les sorts infligeront un dé supplémentaire de dommages divins, etc.

  • 500 XP par niveau permet de lancer une fois un sort au-delà du niveau du personnage, c’est-à-dire 500 par niveau de sort au-delà de celui du personnage.

Les coûts en XP déjà existants pour des sorts tels que Miracle m’ont donné les règles générales pour ces Interventions Divines, et le coût en XP empêche tout abus du système. Les communautés peuvent demander des miracles tels que la pluie lors d’une sécheresse – prenez la piété la plus faible du groupe effectuant la requête et ajoutez un bonus pour le nombre de personnes disposant d’une plus grande piété. Pour un de plus, ajoutez +1 ; pour deux en plus ajoutez une nouvelle fois +1, puis quatre de plus pour un nouveau bonus jusqu’à ce que tout le monde soit pris en compte.

De plus, cela fournit un mécanisme pour que les dieux demandent à leurs prêtres de payer la note. Chaque fois qu’un joueur demande une Aide Pieuse d’une manière ou d’une autre, le dieu note l’appel (même si la réponse est non) et revient finalement en annonçant : « J’ai fait tout cela pour toi, maintenant, je veux que tu fasses cela pour moi. », ce qui met le personnage dans une position délicate. Soit il accepte une mission suicide potentielle (ou au moins un désavantage certain), soit sa piété est largement diminuée.

Au final, cette version du système de piété fit plus de bien que de mal en termes de campagne, et c’est pourquoi elle fait toujours partie des règles maison de Fumanor.

Revers de magie

Le Hero System grog ne fait aucune place au lancement de sorts à la D&D. Il est conçu pour des personnages ayant seulement quelques compétences et non un vaste répertoire de sorts. Concevoir un sous-système de magie pour mes campagnes de super-héros était assez haut dans la liste de priorités après avoir épuisé la plupart des possibilités offertes par la 4e édition.

Je voulais un système où chaque sort serait conçu comme une formule :

  • rassemblez les valeurs de la portée, des points de personnages pour l’effet, etc.
  • multipliez tout cela et vous obtenez le coût en « Mana » – en pratique une réserve de points de magie disponibles, similaire à l’Endurance ;
  • reportez cette valeur dans une table et vous obtenez la difficulté du jet de compétence nécessaire pour lancer le sort avec succès.

Le mérite de cette approche était que si vous vouliez doubler la portée, vous pouviez doubler le coût en mana, ou bien diviser par deux le nombre de dés de l’effet, ou diviser par deux la zone de l’effet, ou n’importe quoi d’autre, et le reste demeurait inchangé. C’était universellement flexible en demeurant équilibré !

En théorie, cela marchait à merveille. Dans mes tests, les quelques sorts que j’ai tentés fonctionnaient aussi de façon exquise. En pratique…

Je suis à l’aise avec les formules et les mathématiques. D’autres ne le sont pas, et ils ont trouvé la conception du sous-système des sorts extrêmement difficile à suivre, et le système de lancement des sorts impossible à utiliser en pratique. Tant et si bien que le premier joueur à tester le système finit avec un mage qui refusait de lancer des sorts – alors que l’objectif ultime de ce système était de permettre au mage d’utiliser sa magie de manière décontractée (Vous voulez récupérer votre café dans la pièce d’à côté ? Lancez un sort pour le récupérer).

Et le deuxième joueur à essayer le système devint si obsédé par les pénalités pour le lancement de sort - calquées sur la règle des « effets secondaires » - que son perso en vint, encore une fois, à refuser de lancer des sorts.

Cela devait être - et fut - remplacé par un système inspiré en partie des anciens sorts de Contrôles des Élémentaires, et qui est bien plus proche de la description standard des pouvoirs. C’est finalement moins flexible et moins élégant de mon point de vue, puisque ça demande plus de travail pour créer des sorts ; mais cela rend la création et le lancement de sorts beaucoup plus faciles pour les joueurs qui l’ont essayé, et ils sont les juges ultimes.

Ce système révisé était sans doute beaucoup trop puissant et flexible, demandant un certain nombre d’ajustements et de restrictions sur les sorts inventés en cours de partie pour maintenir l’équilibre du jeu ; mais ce n’étaient là que des ajustements mineurs ; dans l’ensemble le système fonctionne. Vous n’avez plus la flexibilité ultime du système original – si vous voulez une portée différente, ou une aire d’effet vous avez besoin de créer un nouveau sort – mais en gros, ça marche.

Jouabilité contre Simulation

Toute règle est un compromis entre la jouabilité de la partie et la flexibilité et la précision de la simulation de réalité qui en résulte. Ceci, assez naturellement, signifie que quiconque écrit des règles "maison" devra, de temps à autre, dépasser les limites de la jouabilité dans sa quête d'une meilleure simulation.

Je pense que toute campagne a besoin de règles "maison" pour améliorer l’ajustement entre le système de jeu et la campagne telle qu’elle a lieu – même si ces règles ne servent qu’à documenter les choix faits parmi les règles optionnelles offertes dans les livres officiels.

Les deux exemples détaillés dans ce billet cassaient le système de jeu et auraient pu endommager irrémédiablement les campagnes dans lesquelles ils se sont manifestés. Ceci, aussi, fait partie des risques des règles "maison". Comme toujours, le secret, quand la vie place des obstacles devant vous, c’est d’en faire des opportunités.

En d’autres termes : sauvez ce que vous pouvez ; demandez-vous si vous avez vraiment besoin d’une règle "maison" pour obtenir « X » ; et si c’est le cas, essayez encore avec un nouvel angle d’attaque qui évite délibérément les faiblesses de l’approche précédente.

Tout ceci fait partie du rôle du MJ.

Article d'origine : The Woes of Piety and Magic

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Pour aller plus loin avec PTGPTB…

Grande dissertation de Mike sur les règles "maison" et quand les créer : Une Règle à votre mesure

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Commentaires

I can only judge by Google's translation back to English but it appears to be another excellent result from you in terms of retaining the central message of the original article. So well done and thank you for your excellent work :)

Auteur : 
Mike

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